Certains d’entre nous ignorent que la Jamaïque possède aussi son carnaval comme presque toutes les autres îles de la Caraïbe… et c’est un beau carnaval! Pourquoi cette ignorance? Certainement, parce que le carnaval jamaicain est assez récent. En effet, cette année 2016, il a célèbré seulement son 28e anniversaire alors que certains carnavals de notre région fêtent leur 60e anniversaire ou plus.
Avant, les amoureux du carnaval quittaient la Jamaïque et allaient se déguiser, danser et chanter dans les rues de Port-of- Spain, capitale de Trinidad & Tobago. Mais, en 1988, Gilbert les incita à changer leur projet. Qui était ce mystérieux Gilbert, capable d’empêcher les fêtards d’aller à Trinidad & Tobago? Non, ce n’était pas un très sévère prédicateur religieux. Gilbert, c’était ce violent cyclone qui traversa les Antilles en 1988 en tuant 350 personnes et en faisant plus de 5 milliards de dollars US de dégâts. L’année suivante, il y avait des élections politiques en Jamaïque. Alors, en 1990, après ces deux rendez-vous manqués, un inconditionnel du carnaval trinidadien, appelé Byron Lee, décida d’organiser un carnaval dans son île, la Jamaïque, et le succès fut immédiat. La grande parade dans les rues de Kingston – The Road March – avec des groupes costumés devint un événement incontournable dans le calendrier culturel de la Jamaïque.
Parmi les premiers groupes célèbres, il y eut “Les Oackrige Boys”, “Les Revellers” qui remporta de nombreux trophées, “Les Raiders” qui introduisit le J’Ouvert dans l’île ou encore “Les Frenchmen”.
Un calendrier pour une seule et unique Bacchanale
Petit à petit, un calendrier dédié au carnaval débutant en janvier fut établi car chaque groupe créa des manifestations. Les principaux rendez-vous sont les Vendredis Bacchanal, les cours Socacise, Beach J’Ouvert, Bacchanal J’Ouvert et la Road March qui est l’apothéose.
Afin de ne pas concurrencer le carnaval trinidadien ou d’autres carnavals traditionnels dans la Caraïbe qui se terminent le Mercredi des Cendres et de respecter la période du Carême, les Jamaïcains décidèrent d’organiser leur principale semaine de carnaval à partir du dimanche de Pâques jusqu’au week-end suivant. Le carnaval des enfants (kiddies carnival) se déroule le samedi avant le dimanche de la Road March qui a eu lieu, cette année 2016, le dimanche 3 avril.
Quelques années plus tard, des groupes comme “Les Revellers”, “Les Raiders” et “Les Oakridge Boys” s’unirent et fondèrent “Bacchanal Jamaica”. La nouvelle formation s’installa à la Rue Oxford et son quartier général fut appelé le “Mas Camp” où l’on venait écouter de la soca, apprendre “la musique de l’année”, acheter son costume et préparer le défilé final. Depuis février 2012, “Bacchanal Jamaica” a établi son “Mas Camp” à Independence Park près du Stade National et son succès est chaque année plus important.
Lors de la grande parade, la musique (soca, calypso, dance hall etc.) résonnent sur les gros chars. Les femmes portent de magnifiques costumes colorés et sexy et font le show dans les rues de Kingston. Quant aux hommes, ils regardent ce spectacle, “touchent” les femmes mais avec les yeux…
3 000 “bacchanalistes” dans la rue
Charmaine Franklin, la directrice de “Bacchanal Jamaica”, me dit (avec une fierté que je peux comprendre) : “Nous sommes le seul groupe de Mas en Jamaïque organisant une parade de “ravissants Mas” (…) Nous avons un carnaval de 3 000 personnes dans la rue”. Quand je demande à Charmaine où sont les hommes, est-ce qu’ils n’aiment pas Bacchanal car ils ne défilent pas avec les femmes, elle me répond avec le sourire : “Les hommes ne portent pas de costumes, ils portent des t-shirt, ils sont des “watchers” (observateurs)”.
Mais avec une telle ambiance, les hommes ne savent pas dans quelle direction regarder et certains deviennent complètement fous en voyant passer des centaines de superbes créatures qui sont envoûtées par les musiques caribéennes, ils ne peuvent pas résister alors ils rentrent dans le défilé pour danser avec elles… pendant un court moment.
Plusieurs artistes de soca comme Machel Montano ou Destra ont contribué à la renommée de cet événement culturel.
Le succès de “Bacchanal Jamaica” est dû à une préparation intense et rigoureuse qui commence plusieurs mois avant l’ouverture des festivités. “Bacchanal Jamaica” est aussi une affaire commerciale qui a des sponsors, les participants ou “bacchanalistes” sont aussi des clients qu’il faut satisfaire pour qu’ils reviennent l’année suivante.
En 2017, Charmaine Franklin et son équipe nous donnent rendez-vous le 23 avril pour la très chaude Road March.
