Carnaval de Guadeloupe 2022: Vers une interdiction des défilés dans les rues et un couvre-feu le week-end?

Groupe AKIYO à Pointe-à-Pitre en 2019 - Photo: Évelyne Chaville

Selon un communiqué de l’Agence régionale de Santé (ARS) de Guadeloupe, au 31 décembre 2021: “le niveau de circulation virale a augmenté” (…) les taux sont passés en quelques jours très au-dessus du seuil d’alerte. La diffusion du virus est exponentielle. 2191 nouveaux cas positifs ont été dépistés en 4 jours sur le territoire. 11 nouveau clusters sont en cours de suivi en Guadeloupe et dans les Îles du Nord (établissement scolaire, établissements hôteliers, discothèque, bar, fêtes privées) (…) Il y a eu 25 nouvelles hospitalisations Covid en Guadeloupe et 2 nouvelles admissions en réanimation aiguë.(…)”.

Suite à toutes ces informations alarmantes, beaucoup pensaient que le préfet de Guadeloupe allait annuler le traditionnel défilé du premier dimanche de janvier. Mais, aucune nouvelle de la Préfecture.

Résultat: hier, dans la soirée, des Guadeloupéens (carnavaliers et spectateurs) se sont retrouvés dans les rues de Pointe-à-Pitre notamment lors des déboulés de groupes à peau (Moun Ki Moun, Akiyo, par exemple). La veille au matin, certains groupes à peau comme Nasyon a Nèg Mawon avaient défilé jusqu’au Bas-du-Fort pour le traditionnel “Bain démarré” dans la mer qui est supposé leur porter chance en 2022.

Il faut croire que le nouveau variant “Omicron”, qualifié d’extrêmement contagieux par les scientifiques, n’effraie pas beaucoup. De 849 cas le 27 décembre, le nombre de cas a plus que doublé en passant à 2191 au 31 décembre. Selon le communiqué de l’ARS: “durant ces 4 derniers jours, 18 300 tests supplémentaires ont été comptabilisés. Le variant Omicron est présent dans 46 % des prélèvements en Guadeloupe”.

Certains déclarent que les Guadeloupéens doivent être “suicidaires” pour braver ainsi le Covid-19 qui a déjà tué 831 personnes.

D’autres leur répondent qu’ils refusent de servir de “cobayes” pour un vaccin qui ne serait pas totalement au point puisqu’il ne vous empêche pas d’attraper le Covid-19 et de contaminer les autres. Et, pour illustrer leurs propos, ils vous citent des parents, amis ou voisins, qui sont décédés après avoir été vaccinés ou qui ont fini aux urgences alors qu’ils étaient vaccinés… Par ailleurs, ils répondent qu’il existe déjà toutes sortes de maladies dans l’archipel et toutes sortes de “comorbidités” (mot devenu ici très à la mode depuis la pandémie), bref, ce n’est là qu’une maladie de plus…

Rappelons que d’après l’Observatoire régional de la santé de Guadeloupe (ORSaG), en 2019 près de 95 000 personnes (sur une population globale de plus de 375 000 habitants) souffraient d’affections longue durée, majoritairement des femmes (56%). Rappelons également que plus de la moitié (53,03%) de la population de l’archipel n’est pas vaccinée et c’est une préoccupation majeure pour les autorités. Les spots télévisés mettant en scène des personnalités contre rémunération, les interviews de médecins, les affiches entre autres ne semblent avoir aucun effet sur les récalcitrants au vaccin. En juillet dernier, lors du décès de Jacob Desvarieux du Covid-19, des voix se sont élevées dans une population choquée par la triste nouvelle pour clamer : “Moi, ce vaccin, jamais!”. Le leader du célèbre groupe de zouk Kassav’ avait beaucoup vanté les bienfaits du vaccin et avait même pris 3 doses…

Au 28 décembre 2021, l’Agence régionale de santé indique sur son site internet qu’en Guadeloupe 46,97 % des personnes de plus de 18 ans sont vaccinées. Il est important de préciser que la grande majorité de ces personnes non vaccinées ne fait pas partie du Collectif d’organisations en lutte contre l’obligation vaccinale et le pass sanitaire défendant notamment les employés du secteur de la santé ainsi que les sapeurs-pompiers dont le contrat de travail a été suspendu et le salaire non versé pour faire respecter la loi du 5 août 2021. Cette majorité silencieuse ne défile pas dans les rues…

D’autres encore, souvent des jeunes, rétorquent que la culture populaire que représente le carnaval est en danger, qu’il faut aller la défendre et donc organiser le carnaval en 2022 qui a été annulé en 2021…

Et puis, il y a cette question lancinante qui revient sur toutes les lèvres : “L’État veut nous protéger du Covid-19 semble-t-il mais où était-il pendant toutes ces années où le corps des guadeloupéens ainsi que la terre où ils vivent ont été empoisonnés par le chlordécone utilisé dans les bananeraies?”

La gestion calamiteuse de ce dossier a complètement décrédibilisé la parole de l’État. Et cet aspect du problème (refus de la vaccination) n’est pas compris par beaucoup en France hexagonale, dans la Caraïbe ou ailleurs : pourquoi plus de la moitié de la population guadeloupéenne n’est-elle pas vaccinée alors qu’il y a des doses à gogo et de plusieurs marques contrairement à certains pays (notamment caribéens) car ces médicaments ont un coût?

Aujourd’hui, se dirige-t-on vers une annulation des festivités carnavalesques dans l’archipel par la Préfecture? Y aura-t-il prochainement une réunion de concertation entre le Préfet, représentant de l’État, et les groupes de carnaval pour envisager cette option en raison du “faible” taux de vaccination de la population, de la présence du variant Omicron et de l’augmentation subite du nombre de cas, ces derniers jours?

En 2021, l’organisation de défilés dans les rues a été interdite mais les groupes pouvaient jouer de la musique dans leur local avec un nombre de membres défini et se filmer, une piètre consolation pour des groupes de carnaval de rue. Évidemment, cet arrangement préfectoral n’a pas empêché certains d’organiser des défilés “sauvages”, selon le terme employé par les autorités.

Dans la Caraïbe, certaines îles anglophones viennent de célébrer leur carnaval. Par exemple, pour la 50e édition du Sugar Mas de Saint-Kitts et Névis dont le thème était Fun, Vibe, Energy: Sugar Mas 50, tous les participants, sponsors, vendeurs et autres personnes associées aux événements devaient être complètement vaccinés et porter le masque. Après avoir été entièrement virtuels en 2020, les spectacles tels que le concours du monarque soca, le concours de la reine du carnaval national et le concours de maillots de bain du carnaval national ont été autorisés selon un protocole strict avec la présence du public à 75% de la capacité de la salle. Le J’Ouvert (défilé matinal) n’a pas eu lieu dans les rues de la capitale Basseterre mais dans un espace confiné, le 27 décembre dernier…

Le carnaval de Guadeloupe est un carnaval de rues et toutes les élections ou fêtes diverses dans des lieux fermés n’existent presque plus. Il est donc impossible de copier nos voisins caribéens. Sinon, il reste le “Mass en Folie” au vélodrome de Baie-Mahault pour se défouler mais son format est déjà boudé par de nombreux groupes et on ignore combien de carnavaliers sont complètement vaccinés…