Maryse Condé s’en est allée sur la pointe des pieds, le 2 avril dernier à l’âge de 90 ans et, depuis lors, les hommages pleuvent. Chaque spécialiste de la littérature livre ses pensées concernant la grande dame. La Guadeloupéenne n’était pas seulement une écrivaine, elle était aussi une bibliothèque vivante vu le nombre d’ouvrages (une trentaine) qu’elle a rédigés et leur traduction en une douzaine de langues étrangères. Son décès est une immense perte pour la littérature guadeloupéenne, caribéenne, française et internationale.
Maryse Condé aimait la Guadeloupe, cette île de la Caraïbe qui l’avait vu naître en 1934 et qu’elle avait quitté à l’âge de 16 ans pour poursuivre ses études en France hexagonale. Dans sa quête identitaire, elle s’était tournée vers l’Afrique. Elle s’était mariée à un comédien originaire de Guinée et, comme elle était fascinée par le continent noir, elle avait gardé le patronyme de cet Africain après cinq années de mariage et trois enfants. “Condé”, un nom très répandu en Afrique de l’Ouest au lieu de “Boucolon”, ce nom donné à son ancêtre après l’esclavage en 1848.
Maryse Condé avait parcouru cette Afrique noire (Côte d’Ivoire, Guinée, Ghana, Sénégal, Mali…), en enseignant à la jeunesse ou en faisant des recherches. Elle avait sûrement pensé que sa couleur de peau lui ouvrirait toutes les portes, qu’elle serait vue comme la “soeur” dont l’ancêtre était parti des siècles auparavant dans le Nouveau Monde mais, là-bas en Afrique, elle était considérée comme une étrangère, une Française à la peau noire, une descendante d’esclaves. Avoir été “esclave” est souvent considéré en Afrique noire comme étant le pire destin que l’on puisse avoir…
Maryse Condé aimait le continent noir mais elle avait appris à le regarder dans toute sa complexité, avec ses défauts et ses qualités. Elle avait écrit sur l’Afrique – notamment dans son premier roman intitulé “Heremakhonon” inspiré de ses années passées en Guinée et publié en 1976 puis dans “Ségou”, roman historique mettant en scène le puissant royaume bambara jusqu’au 19e siècle, dans l’actuel Mali, publié en 1984 (tome 1) et 1985 (tome 2). Et, même quand elle écrivait sur la Guadeloupe, les références à l’Afrique n’étaient jamais bien loin.
Maryse Condé a célébré l’Afrique, elle a aidé à faire connaître et à comprendre l’Afrique malheureusement, elle n’a jamais été honorée par l’Afrique.
En effet, durant sa carrière, la romancière guadeloupéenne a reçu de nombreux prix et distinctions littéraires (Prix de l’Académie Française en 1988, France; Prix Liberatur en 1988, Allemagne, pour “Ségou”; Prix Puterbaugh en 1993, États-Unis; Membre honoraire de l’Académie des Lettres du Québec en 1998, Canada; Prix Nobel alternatif de littérature en 2018, Suède etc). Cependant, on ne trouve aucune récompense d’un pays africain. Ni même le Grand Prix Afrique créé en 1952 à Paris par l’Association des écrivains de langue française (ADELF) et destiné aux écrivains de langue française originaire de l’Afrique subsaharienne ou à un ouvrage concernant cette zone géographique…
Finalement, Maryse Condé était une incomprise en Afrique et peut-être qu’elle n’attendait rien du continent de ses ancêtres.