La tendance écolo n’est pas nouvelle dans le carnaval guadeloupéen, elle a toujours existé.
Lors de l’apparition du groupe Akiyo dans le carnaval de Guadeloupe au début des années 1980, on a tout de suite su que le coût des costumes pour défiler n’allait pas ruiner ses membres. Au fil des ans, le fameux treillis militaire utilisé au début n’a pas complètement disparu mais il a fait place à d’autres costumes plus originaux tout en préservant le porte-monnaie des participants. Depuis, d’autres “gwoup a po” en créole ou “groupes à peau” – non pas parce que les carnavaliers portent sur le dos des peaux de bêtes mais parce que les tambours qu’ils utilisent sont recouverts d’une peau de cabri – ont rejoint Akiyo dans ce mouvement culturel. Le nombre de ces formations qui prônent la tradition guadeloupéenne augmente chaque année. Pour cette année 2018, l’Office du Carnaval de la Guadeloupe (OCG) a répertorié 29 “groupes à peau” participant aux différents défilés soit seulement une dizaine en moins que les traditionnels “groupes à caisse claire” (39) mais il y en a plus…
Marcher vite
Si les “groupes à caisse claire” paradent dans les rues, prennent leur temps pour montrer au public venu les admirer leurs beaux costumes confectionnés avec les plus beaux tissus, leurs beaux chapeaux, leurs bijoux et leurs escarpins, les “groupes à peau” déboulent, marchent vite, comme des soldats. Une bonne paire de chaussures de sport s’avère donc obligatoire pour celui qui décide d’intégrer un “groupe à peau” car à partir du premier dimanche de janvier (date du lancement de la saison carnavalesque en Guadeloupe) jusqu’au Mercredi des Cendres (date de clôture), il va parcourir des dizaines de kilomètres à pied. Vingt jours plus tard, il devra de nouveau marcher sur le macadam pour le traditionnel “déboulé” (défilé rapide) du carnaval du jeudi de la Mi-Carême, une spécificité guadeloupéenne. Par conséquent, il vaut mieux avoir de bonnes jambes pour aller “maché an Mas-la” (marcher dans le Mas)…
Pour un “Mas” traditionnel et pas cher
Depuis quelques années, ces “groupes à peau” font preuve de beaucoup d’imagination, de créativité pour faire leurs costumes. Ils recyclent des objets, les détournent de leur usage premier. On a vu ces dernières semaines, des colliers faits avec des rideaux en bambou, des robes en filet de camouflage militaire, des chapeaux en rotin canné, des soutien-gorges en calebasse ainsi que d’autres matériaux comme le carton, la toile de jute, les coquillages mais aussi des feuilles, beaucoup de feuilles et de fleurs naturelles, parfois en plastique. En résumé, il faut que les costumes soient adaptés pour suivre le train d’enfer du groupe, fabriqués avec des objets et matériaux de récupération ou des choses de la nature et surtout qu’ils soient bon marché car, précisons-le, ce sont les carnavaliers qui payent leurs déguisements. En outre, chaque dimanche, les carnavaliers changent de costumes, il faut donc compter plusieurs costumes pour la saison mais certains groupes utilisent les anciens déguisements.
En réalité, cette tendance écolo n’est pas nouvelle dans le carnaval guadeloupéen, elle a toujours existé. Par exemple, il y a des dizaines d’années, pour “aller faire le Mas” nos aînés s’habillaient avec de vieux vêtements gardés sous le matelas pour le rembourrer et se servaient des barils en plastique ou de récipients en fer blanc en guise de tambours…