“Camarade Jean”, le tout nouveau film du réalisateur, journaliste et écrivain guadeloupéen, Franck Salin, vient de sortir. Il retrace la lutte pour l’indépendance de la Guadeloupe entre les années 1960 et 80 à travers la vie de Louis Théodore (81 ans), un combattant surnommé “Camarade Jean” qui a croisé la route de plusieurs grands révolutionnaires parmi lesquels Mao Zédong et Che Guevara. L’auteur nous livre ses impressions après les premières projections du long-métrage de 66mn en créole et français qui ont eu lieu en Guadeloupe, Martinique et Guyane.
Kariculture.net : Pourquoi as-tu choisi de faire ce documentaire sur Louis Théodore, surnommé “Camarade Jean”?
Franck Salin : J’ai réalisé “Camarade Jean” pour raconter une page importante de l’histoire guadeloupéenne avant que ses principaux protagonistes ne soient plus là pour témoigner. Louis Théodore, 81 ans, est l’un des fondateurs du mouvement indépendantiste guadeloupéen qu’il a lancé au début des années 60 avec le GONG (Groupe d’organisation nationale de la Guadeloupe). Ensuite, avec ses compagnons de lutte, ils ont créé dans les années 1970 : l’UTA (l’Union des Travailleurs Agricoles), l’UPG (l’Union des Producteurs Agricoles), l’UGTG (l’Union Générale des Travailleurs Guadeloupéens), l’UPLG (l’Union Populaire pour la Libération de la Guadeloupe), des syndicats et un parti qui ont rythmé la vie politique et sociale de l’île jusqu’à la fin des années 80. Et près de 50 ans après sa création, l’UGTG est le principal syndicat de la Guadeloupe.
Kariculture.net : Beaucoup en Guadeloupe connaissent Louis Théodore comme agriculteur mais beaucoup ignoraient aussi son parcours révolutionnaire, était-il d’accord pour laisser ce témoignage ou as-tu eu à le persuader pour faire ce film?
F. S. : Louis Théodore est l’une des éminences grises du mouvement nationaliste. Mais il n’a jamais aimé être sous le feu des médias. Donc, j’ai pris le temps de lui expliquer le projet. Après discussions, il a été convaincu et a accepté d’y participer. Sans doute parce qu’il sait qu’il y a urgence à transmettre cette histoire aux nouvelles générations.
Kariculture.net : Même si les indépendantistes sont mieux acceptés aujourd’hui qu’il y a quelques années – par exemple, les médias ont longuement parlé de la mort d’un militant indépendandiste, Humbert Marboeuf, alors qu’il y a quelques années ce sujet serait passé sous silence – n’as-tu pas eu peur que le portrait de Louis Théodore n’intéresse pas les spectateurs? Quelle est la réaction du public après ces premières projections?
F. S. : Il y a eu un bel engouement autour du film, et en particulier de la part des moins de 50 ans, de ceux qui n’étaient pas nés ou trop jeunes pour prendre part aux événements qui se sont déroulés entre les années 60 et 80. Je savais que mon documentaire les intéresserait car la question du statut de la Guadeloupe et de ses relations (compliquées) avec la France se pose à eux aujourd’hui, comme cela fut le cas pour les générations précédentes. Cependant, je ne m’attendais pas à ce que le film suscite autant de réflexions et d’échanges. J’en suis très heureux.
Kariculture.net : Comment ont réagi tes partenaires financiers lorsque tu leur a proposé ce projet de documentaire sur ce personnage à la fois connu et méconnu ?
F. S. : Le premier défi pour l’auteur d’un documentaire et sa production, c’est de convaincre une chaîne de diffuser le projet. Une fois que l’on a un diffuseur, trouver les financements complémentaires n’est pas insurmontable. Donc, dès que j’ai obtenu l’accord de diffusion de Guadeloupe La 1ère et de son directeur éditorial Eddy Nédelkovski, j’ai su que je réaliserais ce film.
Kariculture.net : La semaine dernière s’est déroulé le référendum pour l’indépendance de la Nouvelle Calédonie, territoire français, pendant le confinement dû à l’épidémie mondiale de Covid-19, beaucoup en Guadeloupe ou ailleurs ont choisi de se nourrir avec les produits locaux, penses-tu que le sujet de l’indépendance, qu’elle soit politique, alimentaire ou culturelle, soit d’actualité?
F. S. : La question de l’indépendance et/ou de l’autonomie reste d’actualité dans toutes les anciennes colonies françaises devenues territoires ou départements. D’autant que les jeunes originaires de ces endroits sont de plus en plus formés et ne comprennent pas pourquoi ils seraient d’éternels subalternes, condamnés à exécuter les ordres de Paris ou à s’exiler. La soif de justice et de changement demeure. Mais les projets de société manquent…
Kariculture.net : Quand as-tu commencé ce film? La crise sanitaire dans laquelle la planète est plongée depuis 9 mois maintenant, a-t-elle eu des conséquences sur le tournage ?
F. S. : Quand la crise du Covid et le confinement ont commencé le film était déjà monté. J’étais en plein étalonnage. J’ai dû attendre le mois de juin pour reprendre l’opération et livrer le film.
Kariculture.net : Tu as déjà réalisé plusieurs documentaires, y a-t-il un public intéressé par ce genre de films? Quelles tranches d’âge assistent aux projections?
F. S. : Mes films sont vus par des spectateurs de tous âges. Comme ils portent en général sur la Caraïbe et l’Afrique, beaucoup de ceux qui les regardent viennent de ces régions du monde. Mais pas seulement.
Kariculture.net : As-tu déjà en tête le sujet de ton prochain film?
F. S. : J’ai plusieurs idées en tête. Je suis en phase de réflexion et d’écriture.
Photos Page Facebook Franck Salin