Jacky Poulier est un sculpteur guadeloupéen talentueux et discret qui mérite d’être davantage connu. Certaines de ses oeuvres sont pourtant exposées dans des ronds-points ou sur des places publiques de l’île. Il vient de participer au Pool Art Fair Guadeloupe qui a eu lieu du 17 au 19 juin dernier mais une de ses expositions a marqué tous les esprits, ce fut celle qui s’est déroulée du 20 juin au 4 juillet 2015 à la Salle Rémi Nainsouta de Pointe-à-Pitre. Son nom était “Re…Naissance”, une exposition de sculptures faites à partir de la chaîne en fer.
Considérée comme un élément de souffrance lors de l’esclavage, la chaîne en fer a été réhabilitée à travers l’exposition de Jacky Poulier intitulée “Re…Naissance”. Il faut dire que le vernissage a été original voire déroutant pour les nombreux invités. En effet, toutes les dix-huit sculptures ont été emballées comme des oeufs de Pâques et le sol de la Salle Rémi Nainsouta de Pointe-à-Pitre a été parsemé de longs morceaux de chaîne. “J’ai voulu me faire l’avocat du diable en utilisant comme matériau la chaîne qui représente notre malheur au cours de l’esclavage. Certains ont peut-être cru que je “perdais la boule” en pénétrant dans la salle et en découvrant la scénographie mais ils ont été ensuite enchantés quand j’ai dévoilé chaque sculpture. Je crois que c’est la première fois que des oeuvres sont présentées ainsi”, déclare le sculpteur.
Une exposition bien pensée
Chaque maillon de la chaîne en fer a été soudé pour prendre la forme désirée ce qui a représenté un travail colossal, cependant, l’artiste précise : “j’avais ce projet d’exposition pour “positiver” la chaîne, depuis un an. Mes idées étaient claires dans ma tête alors, en janvier dernier, j’ai commencé la réalisation des sculptures, cela m’a pris six mois”.
Plusieurs sculptures ne sont pas passées inaperçues des visiteurs comme “Diktat”, “Le Fakir” et l’imposante composition faite de bouts de chaîne suspendus laissant apparaître le visage de Nelson Mandela, le leader sud-africain.
Mais, l’oeuvre centrale de l’exposition a été “Re…Naissance” qui représentait un personnage nouveau sortant d’un oeuf monté sur un socle où étaient inscrits des verbes traduisant le renouvellement de cet homme guadeloupéen comme “Aimer”, “Trouver”, “Travailler”, “Entendre” etc.
Un sculpteur au service du peuple
Jacky Poulier est un autodidacte. Adolescent, il a commencé à dessiner puis il a voulu, dit-il, “découvrir la profondeur, les trois dimensions des choses” en expérimentant la sculpture. “J’ai commencé par le bois d’Inde, un bois très dur que je sculptais avec des ciseaux de charpentier. Après, j’ai utilisé l’argile qui est très fragile. J’ai alors adopté la résine Epoxy qui laisse du temps pour la travailler. Mais, le matériau que je préfère est le bronze pour sa solidité extraordinaire”, explique Jacky Poulier.
Ce talentueux sculpteur a, à son actif, plusieurs oeuvres publiques qui peuvent être admirées de tous parmi lesquelles : les statues des “Héros de la Liberté” – Ignace, Delgrès y Solitude – exposées sur des boulevards de la ville des Abymes ; le buste en bronze de la première avocate et députée de Guadeloupe, Gerty Archimède, sur la place du bourg de la commune de Morne-à-l’Eau ; le buste du joueur de ka, Marcel Lollia surnommé “Vélo” à la rue piétonne à Pointe-à-Pitre ; la stèle des “100 fusillés de mai 1802″ sur la Place de la Victoire à Pointe-à-Pitre.
L’Homme au centre des créations
En outre, ces vingt dernières années, le sculpteur a participé à une quinzaine de manifestations. Sa première exposition personnelle “Formes et couleurs” s’est déroulée en juillet 1995 dans la Salle Rémi Nainsouta à Pointe-à-Pitre. Deux années après, il est revenu dans ce même lieu avec “Sculptures et Cordes tendues”. En juillet 2005, son espace préféré a reçu son exposition “Du Fil à Re…Cordes”. “Je pense que l’Homme est au centre de mes préoccupations, l’Homme avec son histoire, ses interrogations métaphysiques, ses ambigüités, son devenir, sa raison d’existence, sa responsabilité vis-à-vis des autres êtres vivants et de la Terre où il vit (…), affirme l’artiste.
Pour sa prochaine exposition, Jacky Poulier aimerait réaliser des visages avec des maillons de la chaîne en fer…