Le 3 avril 2016, l’Association pour le Développement de la Musique Traditionnelle en partenariat avec la commune de Sainte-Anne en Guadeloupe ont organisé un hommage à Moune de Rivel. Au programme de cette journée, il y a eu une messe religieuse en sa mémoire, une exposition intitulée “Moune…A tout Moun” et un déjeuner autour de son oeuvre.
Déjà l’an dernier – le 27 mars 2015 – un an jour pour jour après le décès de Moune de Rivel, celle qui se considère comme sa fille spirituelle, la chanteuse Winny Kaona, a organisé deux spectacles à la Salle George Tarer de Pointe-à-Pitre. Plusieurs artistes tels que Émile Antile, Roland Louis, Yves Honoré et Guy Jacquet ainsi que des associations culturelles (Kaloukéra, K’Danse, Les Ténors de la Guadeloupe et Flè a Bambou) ont participé à ce cabaret musical. Une “Anthologie de la Biguine” dédiée aux précurseurs de cette musique née pendant l’entre-deux guerres, a été présentée en première partie du show.
Kariculture.net présente le portrait de cette grande dame de la culture caribéenne, Moune de Rivel qui fut une militante de la culture caribéenne.
Personne n’a oublié Moune de Rivel. Née à Bordeaux (France) en 1918, la musicienne, chanteuse, comédienne et peintre s’appelle, en réalité, Cécile Jean-Louis. Ses parents sont Guadeloupéens. Son père, Henri Jean-Louis Baghio’o, est originaire de Sainte-Anne et magistrat ; sa mère, Fernande de Virel, est de Pointe-à-Pitre et est la fille du Comte de Virel, un Breton arrivé en Guadeloupe pendant l’esclavage. Le grand-père de Moune de Rivel dispensait des cours de musique aux enfants des colons blancs mais, quand il accepta d’enseigner aussi à des enfants d’esclaves affranchis, ses élèves blancs quittèrent sa classe définitivement… La mère de Moune de Rivel est également une grande musicienne avec son 1er prix de violon et son 2e prix de piano du Conservatoire national de Paris. À cause de la profession de son père, la petite Cécile voyage beaucoup en Martinique, en Afrique avant de s’installer en France. La fillette de six ans rencontre chez ses parents de nombreux artistes antillais vivant à Paris dont Stellio et Léona Gabriel. Sa mère lui écrit deux chansons – car elle est très intéressée par la musique créole intitulées – “Mamzelle ka ou tini” et “Chocolat à la doumite”.
Cécile devient Moune
À 16 ans, Cécile se produit en public, pour la première fois, au Cabaret de la Boule Blanche à Montparnasse à Paris accompagnée par sa mère au piano. Elle choisit alors le pseudonyme de Moune de Rivel en inversant le nom de famille de sa mère, de Virel ; Moun en créole signifiant gens, personnes.
Moune de Rivel se produit, pendant plusieurs années ensuite, à La Canne à Sucre, le célèbre cabaret parisien qui est le “temple de la musique antillaise”, en particulier de la biguine et dans des théâtres de la capitale française.
De 1946 à 1948, elle se produit dans une autre grande salle à New-York, le Café Society. Le célèbre magazine américain Life lui consacre un article dans son numéro du 1er avril 1946. La même année, elle se marie avec Ellis Larkins, un pianiste de jazz américain puis divorce en 1949.
En 1961, elle lance deux émissions radiophoniques sur l’Office de Radiodiffusion Télévision Française (ORTF) intitulées “Charmes de Paris” et “Sources Vives”. Moune de Rivel reste toujours très attachée aux Antilles et, à compter de 1963, elle présente plusieurs spectacles folkloriques (dont “Évocation des Antilles”, “Antilles d’Hier et d’Aujourd’hui”) dans différentes salles parisiennes comme La Comédie Française, Le Théâtre de l’Alliance Française, Le Théâtre Récamier et Le Vieux Colombier.
En 1970, son show “Paris-Antilles” est programmé au célèbre Bobino. En 1972, Moune de Rivel est sur la scène du Casino de Deauville. Infatigable et passionnée, l’artiste présente ensuite au Parc de Vincennes “Le Festival Caraïbes” et, en 1974, son nouveau spectacle, “Horizons Créoles” au Carré Thorigny.
Une artiste généreuse
Moune de Rivel fréquente aussi les studios Pathé-Marconi, RCA, Ducretet Thomson, Chant du Monde pour enregistrer des disques et chanter avec les plus grands musiciens caribéens de l’époque (Al Lirvat, Barel Coppet, Pierre Louiss etc.). Elle possède même un fan-club de 300 membres en Finlande, pays où elle joue, chante et danse depuis une quarantaine d’années.
Moune de Rivel devient aussi actrice et joue dans des films et téléfilms tels que : “Aux Yeux du Souvenir” de Jean Delannoy (1948), “Trois Femmes” d’André Miche (1952), “Meurtre en Sourdine” de Gilbert Pineau (1967), “L’Écume des Jours” de Charles Belmont (1968), “Popsy Pop” de Jean Herman (1971) avec Claudia Cardinale, “L’Atlantide” de Jean Kerchbron (1972), “Paul et Virginie” de Pierre Gaspart-Huit (1974)…
Moune de Rivel, la généreuse, n’oublie pas d’aider les jeunes artistes qui débarquent à Paris, en provenance de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion. Elle crée une petite école pour leur enseigner son art, en plus de ses responsabilités de mère de famille ; elle est maman de cinq enfants dont quatre ont été adoptés.
Elle a reçu plusieurs distinctions de la Guadeloupe, de la France et de la Haute Volta (aujourd’hui, le Burkina Faso).
Moune de Rivel, cette grande dame caribéenne, demeure après sa mort en 2014 cette étoile qui scintille sur la scène artistique.