Rédigé par Éric Amiens
Léon-Gontran Damas est né le 28 mars 1912 à Cayenne, en Guyane. Après le décès de sa mère en 1913, il est élevé par sa tante Gabrielle Damas appelée “Man Gabi“. Le jeune Damas fait l’école primaire à Cayenne puis poursuit ses études secondaires à Fort-de-France, au Lycée Schœlcher, où il rencontre Aimé Césaire. En 1928, le Guyanais se retrouve en France pour des études supérieures, il apprend le droit, les lettres, le russe, le japonais et le baoulé. Dans la capitale française, en pleine ébullition culturelle nègre, il retrouve son ami Césaire. L’étudiant guyanais se lie d’amitié avec Léopold Sédar Senghor et des intellectuels africains et noirs américains comme Richard Wright. Léon-Gontran Damas est le troisième homme de la négritude. Effet, il co-fonde le mouvement avec Aimé Césaire (1913-2008) et Léopold Sédar Senghor (1906-2001). L’écrivain et poète crée en 1935 à Paris avec ses deux acolytes la revue “L’Étudiant Noir”.
Un nègre marron
Il publie en 1938 son pamphlet “Retour de Guyane” où il dénonce la misère qui sévit en Guyane et le rapport ambigu que la France entretient avec ses territoires d’Outre-mer. Deux ans après, il publie son premier recueil, “Pigments”, qui est très engagé. Suivront les “Poèmes nègres sur des airs africains” (1948), “Graffiti” (1952), “Black-Label” (1956) et “Névralgies” (1966). Dans ses écrits, le poète anti-conformiste se révolte, dénonce l’assimilation, l’acculturation. Pour certains, il est le “mauvais nègre”, celui qui fustige le colonialisme. Engagé dans la politique, Damas n’a pas eu une longue carrière comme Césaire et Senghor, il fut député de Guyane de 1948 à 1951. L’écrivain sera, par la suite, conseiller technique, chargé des questions culturelles (1958-1963) de la Société de Radiodiffusion de la France d’Outre-mer (SORAFOM), une société de coopération entre la France et l’Afrique. De 1964 à 1969, il est recruté par l’Unesco pour étudier les contributions de la culture africaine dans le nouveau monde.
Un professeur de littérature aux États-Unis
Léon-Gontran Damas voyage beaucoup en Afrique, aux Antilles et en Amérique Latine, avant de s’établir aux États-Unis (1970). L’écrivain devient professeur à l’Université Howard Washington, il est chargé du département de recherche sur la littérature africaine. Le poète rencontre des intellectuels et des écrivains afro-américains. Il donne de nombreuses conférences pour faire connaître la négritude. L’écrivain guyanais décède aux Etats-Unis, le 22 janvier 1978, des suites d’un cancer de la gorge. Il est enterré dans son pays natal, la Guyane.
Chaque année, les Guyanais rendent hommage à ce “nègre rebelle”. On regrette que le poète et ses œuvres ne soient pas connus davantage.
Nous Les Gueux (Extrait de Black Label, 1956)
Nous les gueux
Nous les peu
nous les rien
nous les chiens
nous les maigres
nous les nègres
Nous à qui n’appartient
guère plus même
cette odeur blême
des tristes jours anciens
Nous les gueux
nous les peu
nous les riens
nous les chiens
nous les maigres
nous les nègres
Qu’attendons-nous
les gueux
les peu
les rien
les chiens
les maigres
les nègres
pour jouer aux fous
pisser un coup
tout à l’envi
contre la vie
stupide et bête
qui nous est faite
à nous les gueux
à nous les peu
à nous les rien
à nous les chiens
à nous les maigres
à nous les nègres…