Du 2 au 22 février a lieu au Centre Culturel Rémy Nainsouta de Pointe-à-Pitre une exposition intitulée “La Pointe hier et aujourd’hui” qui est composée de 350 documents (photos anciennes et actuelles, textes, plans, coupures de presse). C’est le résultat d’un long travail de recherche sur la ville de Pointe-à-Pitre, effectué pendant dix mois par l’historienne Maryse Rinaldo et le photographe David Grégoire.
Cette exposition “La Pointe hier et aujourd’hui” est le fruit d’une collaboration entre deux passionnés du passé historique et du patrimoine architectural de la ville de Pointe-à-Pitre. Il s’agit de Maryse Rinaldo, une professeure d’histoire et de géographie à la retraite qui a exercé pendant plusieurs années au Collège Nestor de Kermadec à Pointe-à-Pitre et qui collectionne depuis des dizaines d’années des cartes postales de son île datant de 1895 à 1935 et de David Grégoire, un globe-trotter qui aime la photographie ainsi que les arts plastiques et qui s’est installé à Pointe-à-Pitre depuis 2015.
“J’ai connu Madame Rinaldo l’an dernier quand elle est venue visiter une exposition que j’avais faite sur l’architecture à Pointe-à-Pitre. Elle m’a dit qu’elle possédait une collection de cartes postales anciennes et elle souhaitait que je fasse des photos actuelles des lieux, des bâtiments qu’il y avait sur ces images. Après deux mois d’échanges, j’ai réussi à la convaincre que nous devrions faire une exposition pour montrer à tous les résultats de nos recherches”, raconte David Grégoire.
350 documents sur plusieurs quartiers
Pendant dix longs mois, les deux passionnés d’histoire et de photographie vont analyser les photos anciennes, les guides touristiques, les plans, les fascicules, les livres, bref toutes sortes de documents déjà publiés notamment par la ville, la Société d’Histoire de la Guadeloupe, le club des retraités de la Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale (MGEN) etc. “Parfois, nous nous téléphonions tard le soir si nous avions trouvé des choses intéressantes. Nous avons discuté régulièrement sur le choix des photos et des récits à raconter aux gens. Concrètement, nous avons donc pris une carte de la ville et nous avons défini les quartiers et les lieux dans ces quartiers à mettre en valeur et dont nous avions les photos. Jusqu’à maintenant, nous avons des discussions perpétuelles”, poursuit-il.
Ce très long travail a débouché sur cette grande exposition intitulée “La Pointe hier et aujourd’hui” qui est composée de 350 documents (dont 200 photos anciennes et actuelles, des textes, des coupures de presse et des plans) et qui se déroule au Centre Culturel Rémy Nainsouta.
Un voyage dans le passé de Pointe-à-Pitre
Le visiteur se promènera donc dans le passé de plusieurs quartiers de la ville tels que : Fond Laugier, Raspail, Massabielle, Assainissement, Bergevin, Lauricisque, La Marina. Il apprendra, entre autres, que Le Centre Culturel Rémy Nainsouta était avant l’Hospice Saint-Jules; le siège de la Chambre de Commerce et d’Industrie des Îles de la Guadeloupe était l’Hôtel Diligenti (ancien Grand Hôtel); la médiathèque située dans la rue Achille René-Boisneuf était l’ancienne mairie; le Lycée Carnot était l’Hôpital Militaire; à l’emplacement actuel de La Poste de Bergevin se trouvait le Morne Loret où vivait un certain Monsieur Lauricisque, ce morne a été acheté par la municipalité de l’époque qui l’a rasé et le nouveau quartier est devenu Lauricisque; il y avait deux marchés au charbon dans la ville, l’un près de l’actuelle mairie et l’autre à La Darse etc. Le visiteur verra aussi des photos anciennes et actuelles de ces lieux.
Aujourd’hui, le succès de cette exposition est incontestable. Déjà, le 1er février dernier, à 18h00, près d’une centaine de personnes avait assisté au vernissage. L’an dernier, David Grégoire avait déjà eu l’occasion d’organiser dans cette même salle une exposition de photographies intitulée “Habitations d’hier et d’aujourd’hui à Pointe-à-Pitre” qui avait également connu un grand succès.
Un public très nombreux
“Pour cette exposition, il y a dix fois plus de visiteurs, les flux sont réguliers. Du lundi au vendredi, les jeunes viennent entre midi et 14h00, entre 17h00 et 19h00 et le samedi, les adultes viennent pendant la journée (…) La communication se fait surtout par le bouche à oreille, le public est très content de ce qu’il voit. Certains visiteurs sont déjà venus voir l’exposition deux ou trois fois. Nous voulons que tout le monde soit content d’avoir appris quelque chose”, dit David Grégoire.
Le photographe et l’ancienne professeure d’histoire et de géographie misent sur la pédagogie pour faire connaître la richesse humaine et architecturale de la ville. “Beaucoup pensent qu’il n’y a rien sur Pointe-à-Pitre, en réalité, il y a beaucoup de documents rédigés, entre autres, par des historiens, des chercheurs, des écrivains etc. Il faut simplement entrouvrir la porte et entrer voir ce qu’il y a à l’intérieur, moi, je ne veux pas refermer cette porte”, déclare le jeune homme qui, une année après son installation dans la ville, a réalisé un circuit partant du terminal de croisière et arrivant au Mémorial ACTe avec des lieux chargés d’histoire à découvrir…
Des écoliers avides de connaissances
Parmi ce public nombreux qui accourt du lundi au samedi au Centre Culturel Rémy Nainsouta, il y a les élèves des écoles de Pointe-à-Pitre qui viennent en compagnie de leurs enseignants. Le jeudi 14 février dernier, jour de notre reportage, ces visites débutaient. “Ce matin, nous avons eu des élèves de CM1 et CM2 de l’Externat de Cluny qui étaient vraiment très ravis de découvrir l’histoire de la ville, ils n’arrêtaient pas de poser des questions sur les inondations, la rue Frébault, la Place de la Victoire, par exemple et ils prenaient des notes. Souvent, certains élèves disaient: “mes parents n’aiment pas Pointe-à-Pitre (…)” mais quand ils posaient des questions sur le passé et que nous leur apportions les explications, ils déclaraient: “maintenant, j’aime Pointe-à-Pitre”. La transmission du savoir ne se fait plus, il faut que la jeunesse apprenne à aimer cette ville”, explique David Grégoire. Les autres écoliers – notamment ceux de l’École Raphaël Jolivière et du Collège Front de Mer – qui doivent venir visiter cette exposition seront également avides de renseignements sur la ville où ils vivent mais qui, malheureusement, fait la une des journaux à cause de la délinquance…
Des chercheurs intéressés par cette exposition
Selon le photographe, Pointe-à-Pitre manque d’un peu de romantisme, d’une histoire à raconter aux locaux et aux touristes : “avec mon oeil extérieur, j’essaye de recréer cela, de montrer aux gens ce qu’ils ne voient pas. Pointe-à-Pitre, de par sa superficie est une petite ville mais elle a un patrimoine très riche et elle est belle. Elle est comme un gâteau qui déborde du moule à cause de son histoire”.
Cette exposition est aussi une occasion rêvée d’entendre et de recueillir des tas d’anecdotes sur la ville, des histoires qui semblent avoir été enfouies dans la mémoire peut-être parce que certaines personnes avaient honte de dire qu’elles appartiennent à cette ville. Par exemple, il y a ce Pointois qui s’est souvenu que sa famille avait une dizaine de maisons qui était louée aux Syriens et Libanais; il y a aussi cette Pointoise qui a raconté que sa famille possédait Le Rialto et Le Grand Hôtel des Antilles, un incendie s’est déclaré dans le premier en 1950 et dans le second en 1953…
Par ailleurs, des chercheurs français et suédois seraient très intéressés par la richesse de cette exposition sur Pointe-à-Pitre. Maryse Rinaldo et David Grégoire comptent prochainement publier un ouvrage pédagogique avec toute cette documentation.