“C’est encore loin.!?”, c’est le nom de cette magnifique sculpture de Jacky Poulier installée en mai dernier à Bussy-Saint-Georges en France hexagonale. Cette ville située non loin du Parc Eurodisneyland participait, pour la première fois, à la commémoration de l’abolition de l’esclavage, le vendredi 10 mai. L’oeuvre de 3,50 de haut en acier inoxydable symbolise la lutte contre l’esclavage. Le sculpteur était présent à la 10e édition de la Pool Art Fair Guadeloupe qui s’est tenue du 14 au 16 juin et il a accepté de nous parler de cette “aventure artistique” en Europe.
Il y a un an, la ville de Bussy-Saint-Georges, située dans le Département de Seine-et-Marne dans l’Hexagone, inaugurait le boulevard Victor Schoelcher (1804-1893), l’abolitionniste français qui a lutté pour mettre fin à l’esclavage dans les colonies françaises au 19e siècle. La municipalité manifestait sa volonté d’installer dans la cité une oeuvre sur le thème de l’abolition de l’esclavage. Un appel a donc été lancé à plusieurs sculpteurs. L’association “Ka Fraternité” regroupant des originaires des Antilles – tels que le très connu professeur de créole, Tony Mango – et présidé par Rony Lengrai était chargée de contacter des sculpteurs de l’Outre-Mer. Jacky Omer Poulier, le très connu sculpteur guadeloupéen qui a déjà créé plusieurs statues de personnages illustres de l’île (Joseph Ignace, Solitude, Louis Delgrès, Gerty Archimède, Marcel Lollia “Vélo” etc.) a été choisi par le jury pour réaliser son oeuvre dénommée “C’est encore loin.!?”.
Nous avons rencontré l’artiste à la 10e Pool Art Fair Guadeloupe, le salon international d’artistes, qui s’est déroulée du 14 au 16 juin à Pointe-à-Pitre. Dans son stand, avec les oeuvres qu’il présentait aux visiteurs, il y avait une photo de cette oeuvre monumentale qui a attiré notre attention. Jacky Poulier a accepté de nous parler de cette “aventure artistique”.
3,50 mètres de haut et 1,20 mètre de large en acier inoxydable
“J’ai été contacté en novembre 2018 alors que je me trouvais à Paris. J’ai demandé à ce que l’on m’envoie le livret du projet pour l’étudier et faire une proposition avant le 10 décembre qui était la date limite. Un jury devait examiner les différents projets et, le 26 décembre 2018, les participants devaient être informés des résultats. Je n’ai reçu aucune réponse. Le 26 janvier 2019, la mairie de Bussy-Saint-Georges m’a téléphoné pour m’apprendre que mon projet avait été choisi”, racontait-il. À partir de ce moment-là commençait pour le sculpteur une véritable course contre la montre puisque l’oeuvre devait être livrée dans moins de deux mois, c’est-à-dire le 15 mars, pour être inaugurée le 10 mai. Ayant expliqué ses contraintes au service culturel de la mairie de Bussy-Saint-Georges, l’artiste bénéficiait d’un délai supplémentaire afin de mener à bien ce projet.
Au mois d’avril, l’oeuvre protégée dans une boîte embarquait sur Air-France Cargo à l’aéroport Pôle Caraïbe en Guadeloupe en direction de l’aéroport d’Orly en région parisienne puis la ville de Bussy-Saint-Georges. Du 26 avril au 6 mai (c’est-à-dire quatre jours avant l’inauguration), Jacky Poulier séjournait dans cette ville afin de procéder à l’installation de la sculpture de 3,50 mètres de haut et de 1,20 mètre de large en acier inox à l’angle du Boulevard Schoelcher et de l’Avenue du Général de Gaulle, une artère très fréquentée.
Le rôle actif des esclaves
“Il s’agit de deux personnages. Celui du bas qui est un esclave soutient celui du haut qui est une entité même si elle a une forme humaine. Celle-ci peut être par exemple un esclave marron, un esclave qui a acheté sa liberté ou un juste qui est venu arrêter cette ignominie. Il scrute l’horizon d’où la phrase “C’est encore loin.!?” prononcée par l’esclave qui le soutient. Chaque personne qui verra l’oeuvre choisira la ponctuation à mettre: un point, un point d’exclamation ou un point d’interrogation. La présence de cet esclave montre que les esclaves ont également participé à cette lutte contre l’esclavage et n’ont pas été passifs”, expliquait le sculpteur.
Le 10 mai – date de la commémoration nationale de l’abolition de l’esclavage en France hexagonale – Yann Dubosc, le maire de Bussy-Saint-Georges, coupait le ruban pour inaugurer la statue puis environ 300 personnes se retrouvaient à la médiathèque municipale où étaient prononcés les différents discours de circonstance. Jacky Omer Poulier a ainsi expliqué à l’assistance la symbolique de son oeuvre. Quant aux élèves de CM1 de l’école George Sand, ils ont lu un poème et un extrait du décret d’abolition de Victor Schoelcher. “C’est la première fois qu’une de mes oeuvres est installée hors de la Guadeloupe. Je garde un très bon souvenir de cette aventure artistique”, déclarait-il.