Qui aurait cru que le Festival International du Zouk (FIZ) de Guadeloupe aurait atteint l’âge de 20 ans? Pas grand monde et surtout pas le fondateur de cet événement musical! Dans la Caraïbe, il y a beaucoup de festivals qui célèbrent les rythmes musicaux propres à chaque île. Par exemple, la Jamaïque vient de célébrer la 31e édition de son Reggae Sumfest dont la devise est “Our Music, Our Festival” (Notre Musique, Notre Festival) ; ce grand rendez-vous accueille les nombreuses stars du reggae ainsi que des milliers de spectateurs jamaïcains et étrangers.
Le Zouk est né en Guadeloupe et on aurait aimé aussi pouvoir dire “Notre Musique, Notre Festival”, malheureusement, le “FIZ Guadeloupe” se déroule plutôt dans une certaine “confidentialité”, n’ayant pas un budget important pour la promotion de l’événement, l’invitation des artistes zouk ou encore l’installation d’une grande scène pour des grands concerts…
Il faut croire que certaines personnes n’ont jamais accepté que le fondateur du FIZ Guadeloupe – qui n’est pas musicien – ait eu l’idée un jour de lancer cet événement. Il se dit même que certaines personnes ont déjà tenté de s’emparer du FIZ pour en faire “une machine à sous”…
Kassav’, qui aurait dû saluer ce festival honorant sa musique, n’a d’ailleurs jamais apporté son aide à ce festival, le groupe (composé de Guadeloupéens et de Martiniquais) aurait même demandé une somme astronomique quand il a été sollicité pour se produire sur scène, il y a quelques années… Peut-être une façon polie de dire au fondateur du FIZ qu’il n’est pas le créateur de cette musique, ni même musicien et qu’il devrait laisser l’affaire aux professionnels…
Cependant, un pays africain lusophone, le Mozambique, a lancé son Festival do Zouk ou Festival Tropical Zouk à Maputo en 2012. En 2013, Kassav’ a été la tête d’affiche de la 2e édition et a joué devant des milliers de spectateurs.
En septembre 2018, Kassav’ a également accepté de se produire devant une foule immense lors de la première édition du Festival Zouk Angola, un autre pays africain lusophone qui possède d’ailleurs l’unique musée du zouk et qui a maintenant baptisé le zouk, “kizomba”. Si ce n’est pas un hold-up…
De plus en plus, on voit des membres actuels ou anciens de Kassav’ participer aux débats du FIZ mais on se demande où étaient-ils ces dernières années? Notons qu’ils viennent pour “parler” mais pas pour offrir un concert… Est-ce la mort de Jacob Desvarieux (le “Boss” qui était doué en affaires et qui savait négocier les contrats) qui a libéré la parole?
De son côté, Patrick Saint-Éloi, qui avait quitté Kassav’ en 2002 pour se lancer dans une carrière solo, a régulièrement donné des conseils aux organisateurs du FIZ ; en 2005, le roi du zouk-love a écrit spécialement pour le festival: “Zouk la sé tan nou! Sé nou ki fey! Fo nou fey viv pou nou pa jen oubliyé ki moun nou yé” (Le Zouk nous appartient! C’est nous qui l’avons fait! Nous devons le faire vivre pour que nous n’oubliions jamais qui nous sommes). Alors, qu’attend le FIZ pour laisser jouer la musique?
Comme on le constate, si en Guadeloupe, on traîne les pieds pour faire de cette musique qui est la nôtre un produit culturel contribuant au développement économique de l’archipel, des événements musicaux consacrés au zouk apparaissent ailleurs. L’île de la Réunion a aussi organisé la 8e édition de son Festival du Zouk en janvier dernier à Saint-Paul avec de nombreux artistes guadeloupéens et martiniquais.
Ces dernières années, l’organisation du FIZ a beaucoup “bricolé” pour maintenir en vie ce festival faute de financement, notamment des grandes collectivités. Il faut dire qu’en Guadeloupe, le réseau de copinage souvent détermine la réussite ou l’échec d’un projet.
L’organisation du FIZ Guadeloupe assure ne pas vouloir transformer cet événement en grands concerts, mais n’est-ce pas d’abord la célébration d’une musique?
Créée il y a 14 ans, on constate que la grande exposition d’arts plastiques du FIZ Guadeloupe (Expo d’Aw FIZ) qui se tient au Centre culturel Rémy Nainsouta à Pointe-à-Pitre et dans d’autres communes depuis peu, est devenue le point d’orgue de cet événement musical, son vernissage ressemble d’ailleurs au lancement officiel du festival…ce qui est quelque peu bizarre.
Évidemment, on peut associer toutes les disciplines artistiques au FIZ, mais le public de Guadeloupe s’attend à voir surtout des artistes jouer, chanter et danser du zouk sur scène.
Par ailleurs, lors du FIZ Guadeloupe, il y a des conférences pour parler du zouk. En 2019, à l’occasion de sa 5e édition, le FIZ Martinique a même organisé, en collaboration avec l’Université des Antilles, Pôle Martinique, un colloque intitulé “Le Zouk : Trajectoires, imaginaires et perspectives“. Mais, quelle portée ont eu les belles paroles de ces intervenants? Visiblement, aucune car, dans l’Hexagone et à l’étranger, certains continuent à s’emparer de cette musique, parfois en niant son nom. Beaucoup de gens ignorent toujours l’origine de cette musique.
Dernièrement, on a assisté sur les réseaux sociaux à une scène surréaliste où des artistes (certains n’étant pas antillais…) ont obtenu du promoteur qu’une star martiniquaise du zouk ayant une carrière de plus de 25 ans soit exclue d’un concert de zouk à Paris… Rien d’étonnant que nos artistes ne se soient pas bousculés pour soutenir leur collègue puisque presque tous nos chanteurs et musiciens ont quitté l’archipel pour s’installer en France hexagonale dans l’espoir de vivre mieux de leur art, ce qui est loin d’être le cas, alors il est préférable de ne pas s’embrouiller avec les quelques promoteurs de spectacles qui pourraient les faire monter sur scène.
Il est donc temps que la musique Zouk devienne la colonne vertébrale du Festival International du Zouk. Il faut absolument un grand podium pour accueillir chaque année les très nombreux artistes. Maintenant que l’organisation bénéficie de l’appui financier des collectivités – notamment le Conseil Régional et le Conseil Départemental – puisque leur logo figure désormais sur les flyers, il faut que le FIZ stoppe ce “bricolage” et cette “confidentialité” qui durent depuis 20 ans et qu’il permette à cette musique de faire rayonner notre région. Ce grand podium avec les stars du Zouk – qui semble effrayer les organisateurs – doit montrer au monde entier que ce rythme est né ici et qu’il est notre fierté.
Il y a de l’argent pour faire ce grand Festival de Zouk en Guadeloupe puisqu’il y a de l’argent pour faire, chaque année, des festivals pour les jeunes mettant en scène des artistes de dancehall guadeloupéens ; le dancehall étant une musique jamaïcaine.
Ce festival de zouk doit maintenant contribuer au développement culturel et économique de notre territoire. Comme pour les grands festivals musicaux de la Caraïbe, il faut que les amoureux du zouk viennent de l’Hexagone et de l’étranger pour participer à cette fête en juillet ou août.
Certes, on peut y associer d’autres arts (peinture, photographie, sculpture etc.) lors d’une exposition, organiser des débats et divers concours mais la musique ou la performance des chanteurs et musiciens en live sur scène doit impérativement devenir le moteur du FIZ.
Il est urgent que le FIZ Guadeloupe amorce ce virage, ce qui signifie que l’organisation doit accepter d’étoffer son équipe avec des professionnels. Car, pendant que la Guadeloupe “bricole” avec sa musique, d’autres l’exploitent sans vergogne, lui donnent même un autre nom et s’enrichissent.