Du 28 juin au 9 juillet s’est déroulée la 7e édition du Festival International du Graffiti et du Street Art de la Guadeloupe (FIGSAG) dont le thème était “Happy Culture” (Culture Joyeuse). L’artiste brésilienne, Drika Chagas, et le célèbre graffeur toulousain, Kongo étaient respectivement la marraine et le parrain de l’événement. De nombreux autres street artistes venus d’Haïti, de Martinique, de la France hexagonale étaient présents ainsi que ceux de la Guadeloupe. Une des nouveautés de cette année était la décentralisation du festival dans plusieurs communes de l’île.
Depuis quelque temps, la Guadeloupe et singulièrement l’agglomération pointoise et abymienne donnent une place “officielle” aux graffitis. En effet, de plus en plus, de nouveaux logements collectifs ou certains murs de bâtiments publics sont décorés de graffitis et même de fresques géantes commandés par nos décideurs.
Si certaines communes tendent à laisser les artistes de rue s’exprimer dans l’espace public surtout quand il s’agit de dessins agréables à regarder, la majorité d’entre-elles considèrent toujours le tag (écriture) comme “salissant” et même “agressif”…
On imagine donc le combat sans relâche qu’a dû mener durant de longues années Martine Fazer, l’organisatrice du Festival International du Graffiti et du Street Art de la Guadeloupe et la détermination sans faille des graffeurs pour que ce rendez-vous trouve sa place dans le calendrier des événements artistiques incontournables du pays.
La 7e édition a donc été la bonne car, cette année, ce festival rebaptisé “Léz’ Arts de Rue” a reçu un excellent accueil de la part du public guadeloupéen. Certaines personnes ont carrément découvert l’existence du festival…
Un lancement en 2009
“J’adore l’art, j’adore la culture mais l’idée de lancer ce festival ne m’est pas venue toute seule. C’est Dominique Mey qui m’en a d’abord parlé. Nous étions en 2008, cet ami qui travaillait dans l’affichage publicitaire et qui avait eu l’occasion de créer un concours d’affiches en Guadeloupe m’a demandé s’il ne serait pas intéressant d’organiser une manifestation autour des graffitis. En fait, il circulait partout en Guadeloupe avec ses équipes pour poser des affiches et il voyait ces graffitis qu’il trouvait sympas. Étant dans l’événementiel, il m’a demandé si je pouvais créer un festival afin de les valoriser”, se souvient Martine Fazer, la directrice de Tropik Events Communication qui organise Léz’Arts de Rue.
La première édition du Festival International du Graffiti et du Street Art de la Guadeloupe a été lancée en décembre 2009 mais elle n’a, malheureusement, pas eu l’écho escompté car l’île sortait d’une longue grève générale… Un concours de graffitis avait été proposé sur la Place de la Victoire à Pointe-à-Pitre avec la participation d’une vingtaine de graffeurs. Ces derniers devaient réaliser une fresque à partir d’un thème unique. La danse était aussi au programme avec le Hip Hop Sessions.
À partir de la deuxième édition, le FIGSAG a commencé à s’étoffer car, en plus du concours de graffitis, les graffeurs ont réalisé des fresques dans la ville de Pointe-à-Pitre. Porto Rico, la République dominicaine et Haïti ont été les îles de la Caraïbe invitées.
Le partage avec d’autres cultures
Cette 7e édition du Festival International du Graffiti et du Street Art de la Guadeloupe s’est tenue en présence de nombreux street artistes invités, certains étant de renommée internationale : la brésilienne Drika Chagas et le Franco-Vietnamien Kongo (marraine et parrain du festival); Denis Maksaens et le Collectif Basquiat d’Haïti; Steeven Caupenne et Jonathan Péraste de la Martinique; Moksa, Doudou’Style, Emmanuel Odorico et Osagé de France hexagonale…
“Notre volonté d’ouvrir ce festival en invitant des graffeurs originaires d’autres pays est essentielle pour nous. L’art permet de se nourrir de connaissances, de partager d’autres cultures. Les graffeurs se rencontrent et partagent quelque chose de leur environnement, de leur éducation, de leur technique, de leurs couleurs préférées etc.(…) Cette année, nous avons eu la chance d’avoir avec nous Kongo qui a aujourd’hui une renommée mondiale et, pendant cinq jours (il n’a pas pu rester plus longtemps car il est très demandé), il a partagé ses expériences, son art avec nous et donné de précieux conseils aux jeunes graffeurs”, dit Martine Fazer.
La manifestation a débuté le 28 juin au Pavillon de la Ville à Pointe-à-Pitre par une exposition intitulée “Graffiti’aw” avec quelques oeuvres de Drika Chagas, Ronald Cyrille alias Black Bird, Doudou’ Style, Moksa, Pacman, Narcisse K, Mash, Osons… “C’est une exposition d’artistes et non pas une exposition commerciale avec beaucoup de tableaux”, tient à préciser Martine Fazer.
Le graffiti, un art contemporain
L’événement artistique s’est ensuite décentralisé dans six communes de l’île : Saint-Claude, Le Moule, Sainte-Anne, Le Gosier, Sainte-Rose, Les Abymes.
Martine Fazer et le collectif d’une vingtaine de graffeurs guadeloupéens ont su trouver les mots justes afin de convaincre les chefs d’édilité pour qu’ils acceptent de recevoir le festival sur leur territoire. Rappelons qu’il y a encore quelques années, les mairies se plaignaient de ces tags et dessins “sauvages” et déclaraient consacrer un budget conséquent pour les effacer.
“Nous leur avons expliqué que le graffiti est un art contemporain de la rue, que les graffeurs du collectif sont des artistes émergents ou réputés qui ont un savoir-faire, une technique, des connaissances artistiques entre autres, bref que notre organisation venait avec une ingénierie. Nous leur avons demandé de mettre à notre disposition des murs et de contribuer à l’achat des bombes de peinture qui coûtent cher. Nous avons aussi discuté avec eux des dessins qu’ils souhaiteraient voir sur les murs. Tout a été fait pour que les communes s’approprient le projet et le retour a été positif”, déclare l’organisatrice du festival.
Au cours de ces visites en communes qui ont eu lieu du 29 juin au 6 juillet, il y a eu des ateliers, des rencontres avec les artistes, du slam, de la danse hip hop, des graffitis à taille normale mais aussi des fresques géantes notamment à Sainte-Anne et aux Abymes.
Un public enthousiaste
“Partout où nous sommes allés en Guadeloupe, nous avons été bien accueillis par la population. Des jeunes, des adultes, des familles, des personnes âgées (notamment celles qui habitent à la Résidence Cadenet au Moule) parfois avec leurs chaises sont venus spontanément assister aux performances des artistes. Certains commentaient les oeuvres, d’autres s’extasiaient et répétaient “sa bèl menm!” (c’est vraiment beau!) ou “sa pli bèl ki avan!” (c’est plus beau qu’avant!) car ces graffitis embellissaient leur quartier. À Sainte-Rose, une habitante a déclaré qu’elle était d’accord avec Mme le Maire pour avoir autorisé ces graffitis dans la commune… À Pointe-à-Pitre, les gens arrêtaient leurs voitures pour photographier les artistes qui peignaient ainsi que leurs oeuvres”, raconte la directrice de Tropik Events Communication.
En effet, le samedi 8 juillet, les street artistes ont envahi la ville de Pointe-à-Pitre afin de réaliser de nombreux graffitis lors d’une “Performance nomade” ce qui a créé des rassemblements d’amoureux de l’art et de novices observant chacun de leurs gestes jusqu’à la tombée de la nuit.
Par ailleurs, un dépliant avec un plan de la ville et les douze lieux où les graffitis seraient dessinés avait été auparavant distribué au public pour lui permettre de suivre ce parcours créatif autour du street art et de découvrir la cité d’une manière ludique. Parmi ces sites, il y a la place de la mairie, la rue Barbès, le terminal de croisière, la place du marché central, l’angle des rues Nozières et Gambetta, la rue Lamartine, l’angle des rues du Général Ruiller et Victor Hugues, la rue Duplessis, le Pavillon de la Ville etc.
De nombreux contacts dans le monde
Un guide de la ville ayant aidé l’organisation du festival pour le choix des sites à mettre en valeur par les graffitis, Léz’Arts de Rue n’exclut pas l’idée de proposer à la municipalité pointoise d’inclure ce nouveau parcours artistique dans ses circuits touristiques…
À noter qu’au cours du festival des projections de vidéos ont également eu lieu avec l’artiste-vidéaste Denis Maksaens et le photographe Philippe Virapin.
L’apothéose de cette 7e édition du FIGSAG a été le concours de graffitis sur la Place de la Victoire, le dimanche 9 juillet, avec la participation d’une douzaine de graffeurs d’Haïti, de la Martinique, de la France hexagonale, de la Guadeloupe…
Les projets ne manquent pas pour faire grandir davantage cette manifestation, faire connaître le street art et les graffeurs guadeloupéens. “Nous voulons exporter nos artistes. Nous envisageons d’envoyer en résidence d’artistes en Haïti un ou 2 d’entre-eux. Nous participerons également au Festival du Graffiti d’Haïti. Nous avons noué beaucoup de contacts à l’étranger notamment à Sao Paolo (Brésil) où il existe un vivier actif et prolifique de street artistes, au Mexique, en Belgique, en Espagne. L’artiste espagnol Necko sera certainement l’un des invités du festival, l’an prochain”, déclare Martine Fazer.
Pour le moment, elle prévoit la mise en place de “petits” événements comme des rencontres durant l’année qui annonceront le festival.