Connaissez-vous le Junkanoo? Les Caribéens francophones pourraient penser qu’il s’agit d’une sorte de “Jus de canne” à cause de la prononciation anglaise. La réponse est NON. Pour ceux qui n’avaient jamais entendu ce mot auparavant, il s’agit d’une célèbre fête traditionnelle des Bahamas remontant à l’époque de l’esclavage où les participants se déguisent et dansent au son du tambour et d’autres instruments. Bref, c’est le carnaval bahamien.
Le Junkanoo vient de s’achever aux Bahamas, il a eu lieu les 26 décembre 2016 et 1er janvier 2017 et a rassemblé, comme chaque année, des milliers de personnes.
Dans cet archipel des Bahamas de 260 000 km2 qui compte 700 îles allant des côtes de la Floride au large d’Haïti, le plus important des défilés se tient dans la capitale, Nassau, située sur l’île de New Providence. D’autres îles comme Grand Bahamas, Eleuthera, Harbour Island, Bihimi, Exumas et Abacos organisent aussi leurs parades carnavalesques.
Il existe de nombreuses explications concernant l’origine de cette tradition culturelle bahamienne.
L’explication la plus admise est que de nombreux Loyalistes anglais avaient colonisé ces îles au 18e siècle et avaient à leurs services bon nombre d’esclaves africains. Pendant la période de Noël, les maîtres accordaient aux captifs trois jours de congé pour festoyer. Ces derniers profitaient donc de cette occasion rare pour chanter, pour danser au rythme des tambours, des cloches et des sifflets en portant des vêtements et des masques très colorés et pour défiler de maison en maison, le plus souvent montés sur des échasses. La célébration se déroulait deux fois par an, le lendemain de Noël et le Jour de l’An. Elle commençait généralement la nuit à 2 heures du matin et s’achevait à 3 heures de l’après-midi, le jour suivant.
Des spéculations sur l’origine
Pour certaines personnes, cette fête a été instaurée par John Canoe, un Prince de l’Ouest de l’Afrique qui a combattu les esclavagistes anglais, puis est devenu un héros local.
Pour d’autres, “Junkanoo” dériverait des mots français “Gens inconnus” car on ne pouvait pas voir le visage des esclaves déguisés.
Les spéculations sont diverses et variées mais ce qui est sûr c’est que le Junkanoo est né pendant l’esclavage, il y a plusieurs siècles (au 16e siècle ou au 18e siècle) et qu’il a été créé pour divertir les esclaves, pour laisser parler leur créativité après des mois de labeur.
Après l’abolition de l’esclavage en 1834 il tendait à disparaître mais les défenseurs de la tradition ont préservé cette fête ancestrale.
Aujourd’hui, le Carnaval des Bahamas – le Junkanoo – attirent des milliers de personnes, des Bahamiens et des touristes.
Les défilés envahissent les rues entre 2 heures et 10 heures du matin devant une foule de supporters et de spectateurs ; ces derniers sont debout au bord des routes, installés dans des arbres, assis sur des sièges ou accoudés aux balcons pour prendre part à la liesse populaire.
Les instruments de musique n’ont pas beaucoup changé et résonnent comme au temps de l’esclavage. Il y a les tambours qui sont recouverts de peau de chèvre, les cors, les clairons, les sifflets et de sonnailles (clochettes qui s’attachent au cou des bestiaux).
Une véritable liesse populaire
Les groupes peuvent avoir jusqu’à 1 000 membres qui sont tous vêtus de magnifiques costumes fabriqués en partie avec du beau papier crépon de couleur et du carton. Il a fallu des mois de préparation pour parvenir à ce résultat, pour que tous les Bahamiens communient ensemble sans distinction de classes sociales.
À la fin des défilés, des juges décernent des récompenses en espèces pour le “Prix de la meilleure musique”, le “Prix du meilleur costume” et le “Prix du groupe ayant la meilleure présentation générale”.
Cependant, avant le “Junkanoo des adultes”, il y a le “Junkanoo Junior” réservé aux enfants de toutes les écoles privées et publiques de l’archipel, de la maternelle au lycée. Après la parade, le meilleur groupe de chaque catégorie reçoit une récompense.
Cette manifestation a été créée afin de permettre aux jeunes de développer l’esprit de cohésion sociale, l’estime de soi, le patriotisme, la confiance en soi. Selon les organisateurs, la participation à ce carnaval permet aux jeunes de se découvrir des talents et de devenir plus tard des artistes professionnels (chanteurs, danseurs, musiciens etc.). Par ailleurs, ils considèrent le “Junkanoo Junior” comme une sorte de pépinière permettant d’assurer la pérennité de la tradition.
Un Junkanoo touristique
La popularité du Junkanoo traditionnel était tellement grande que le Ministère du Tourisme des Bahamas a décidé d’organiser le “Junkanoo d’Été”.
Cette manifestation qui se déroule durant les mois de juin et de juillet vise également à valoriser la culture et le patrimoine bahamiens. À cette occasion, il y a une parade pour enfants et une parade pour adultes.
Ce Carnaval Junkanoo est un produit touristique destiné à attirer les visiteurs étrangers et à développer l’économie locale.
En dehors de ces dates, le Junkanoo peut aussi être célébré dans des occasions particulières où il faut montrer le patrimoine culturel de l’archipel.
Par ailleurs, on peut voir des scènes de Junkanoo dans certains films hollywoodiens tels que “Thunderball” avec Sean Connery, sorti en 1965 et “After the Sunset” (Coup d’Éclat, en France) avec Pierce Brosman, sorti en 2005, ce qui a contribué à faire connaître ce festival à l’étranger.
Comme d’autres carnavals caribéens, cette fête s’est exportée. Des Américains originaires des Bahamas et vivant en Floride organisent leur Junkanoo dans des villes comme Miami en juin à et Key West en octobre.