En janvier dernier, l’association “Agence Kultur’Tour” a lancé son premier “Kino Kabaret”. Ce concept, né en 1999 à Montréal (Canada), permet la rencontre entre professionnels du cinéma et amateurs pour réaliser des courts-métrages sur des thèmes locaux et dans des délais très courts.“Kino Guadeloupe” a déjà diffusé une vingtaine de films lors des séances de projection auxquelles participent de plus en plus de cinéphiles.
“Faire bien avec rien, Faire mieux avec peu. Mais le faire maintenant”, c’est la devise de toutes les cellules “Kino” qui existent à travers le monde.“Créer pour être diffusé”, c’est le leitmotiv de la cellule “Kino Guadeloupe”, ce nouvel espace de micro cinéma qui se veut “une voie de production et de diffusion cinématographique alternative” regroupant des réalisateurs, des producteurs, des comédiens, des techniciens du spectacle et des amateurs.
Créé en août 2016 par l’association “Agence Kultur’Tour”, “Kino Guadeloupe” compte aujourd’hui, une vingtaine d’adhérents âgés entre 28 et 50 ans ; il faut savoir que seuls les réalisateurs peuvent devenir membres d’un “Kino” mais autour d’eux gravite une équipe de “kinoïtes”.
“Au sein de notre association, “Agence Kultur’Tour” créée en octobre 2015, nous avons comme objectif de promouvoir toutes les disciplines artistiques (musique, peinture, théâtre etc.) En ce qui concerne le cinéma, nous voulions sortir du concept de festival. Au cours de nos recherches sur Internet, nous avons trouvé le concept du “Kino” qui vient du Canada, nous avons contacté les responsables et ils nous ont expliqué comment monter notre dossier afin d’adhérer au réseau. Ce qui nous a beaucoup plu dans le “Kino”, adapté localement, c’est qu’il reste à taille humaine, il n’y a pas cet esprit de compétition comme c’est le cas pour un festival et les productions sont toujours diffusées”, déclare Éléonore Bastide-Bernier, la Présidente de l’association “Agence KulturTour”.
Un court-métrage en 2 ou 3 jours
Cependant, avant d’arriver à la projection, il y a des étapes à franchir. Les participants doivent assister à une grande réunion d’information, le “Kino dating”. Les thèmes sont divulgués quelques semaines à l’avance pour permettre la préparation des scénarii, des matériels, la constitution des équipes (comédiens et techniciens) etc. Une fois le top départ lancé, le réalisateur et son équipe disposent de deux à trois jours pour tourner et monter leur film, c’est le “Kino challenge”. La dernière étape est la projection de tous les courts-métrages sur écran géant qui se déroule lors d’une soirée conviviale, le “Kino Kabaret” ; l’entrée est gratuite pour les spectateurs.
Le lancement du “Kino Kabaret” s’est effectué en janvier dernier au moment du FÉMI, le Festival Régional et International du Cinéma de Guadeloupe. En effet, afin d’élargir la visibilité de cette nouvelle manifestation, les responsables ont choisi de toujours l’organiser en marge d’un festival établi ou d’un événement culturel.
Lors de la première édition qui a donc eu lieu du 28 janvier au 4 février au Fort Fleur d’Épée dans la commune du Gosier, les “kinoïtes” ont eu à choisir entre 2 thèmes – “Michel Morin” (nom donné, en Guadeloupe, à celui qui sait tout faire) et un sujet libre – afin de réaliser leurs courts-métrages. Pour la seconde édition du 22 avril qui s’est tenue au Pavillon de la Ville près de la Place de la Victoire à Pointe-à-Pitre, le thème était plus divertissant puisque les films des participants étaient consacrés aux blagues ; il s’agissait d’un “Kino blagues”. Quant à la troisième édition, organisée le 24 juin dernier dans ce même lieu pointois, elle avait comme thème les “Contes et Légendes Créoles”. Des histoires bien de chez nous comme celle de “La Diablesse” mais aussi l’histoire de la “Dame Blanche” qui est plutôt connue en Europe et ailleurs ont été racontées en images.
Des séances de formation prévues
Lors de cette 3e édition, outre les productions du “Kino Kabaret”, les spectateurs ont assisté à la projection de quatre courts-métrages faits par d’autres réalisateurs caribéens qui, par le plus pur des hasards, s’inscrivaient parfaitement dans le thème de la soirée, “Les Contes et Légendes créoles” : “Dorlis” de Thomas Lordinot de la Martinique ; “Sanblan” de Claudine Charles d’Haïti ; “Le Gardien” de Fabrice Pierre et “Arkel Storm” d’Alixe Lautric, tous deux de la Guadeloupe.
Lorsqu’on demande à la Présidente de l’association “Agence KulturTour” si ce type de concept ne risque pas de baisser la qualité et le niveau de l’art cinématographique local car tout le monde ne peut pas se prétendre réalisateur du jour au lendemain sans maîtriser un certain nombre de connaissances fondamentales, elle répond :“Nous sommes agréablement surpris par la qualité des films que réalisent maintenant nos “kinoïtes” avec peu de moyens et dans un délai assez court. Cette qualité s’est beaucoup améliorée entre la 1ère et 3e édition. Même s’il nous manque des membres dans certains métiers du cinéma, les six professionnels de “Kino Guadeloupe” donnent de nombreux conseils aux amateurs. Par ailleurs, nous encourageons les amateurs qui souhaitent travailler dans l’industrie du cinéma à se former”.
À ce sujet, l’association mettra en place en octobre prochain des séances de formation assurées par des professionnels locaux mais aussi par des professionnels canadiens du réseau “Kino”.
Des “kinoïtes” motivés, des spectateurs intéressés
Le “Kino Kabaret” ayant lieu tous les deux mois, cela suppose de trouver régulièrement des thèmes pertinents pouvant être adaptés au cinéma ainsi que des participants mais ces obligations n’effrayent pas l’association.“Je pense que les thèmes ne seront pas un problème dans le futur et les “kinoïtes” sont très motivés. Le problème auquel nous devons faire face maintenant est matériel et nous envisageons de remettre à chaque équipe un kit pour aider les participants à tourner leurs films dans de meilleures conditions. Comme nous manquons de “kinoïtes” professionnels, nous mutualisons nos moyens, il arrive qu’un monteur monte jusqu’à quatre films pour un “Kino Kabaret”(…) Mais, comme nous le disons, le “Kino” est un terrain de jeux pour s’amuser, produire et diffuser”, explique Éléonore Bastide-Bernier.
Ce rendez-vous cinématographique attire de plus en plus les cinéphiles qui veulent voir des histoires locales racontées par des réalisateurs professionnels et amateurs résidant en Guadeloupe. En effet, la 1ère édition a attiré 600 personnes, la 2e édition, 170 et la 3e édition, 300. Les spectateurs qui se rendent au “Kino Kabaret” font partie de toutes les classes d’âge.
En six mois d’activités, les “kinoïtes” guadeloupéens ont déjà réalisé et proposé à la diffusion une vingtaine de court-métrages. Les films du “Kino Guadeloupe” sont aussi diffusés sur la chaîne de télévision, Guadeloupe 1ère.
“Il y a un véritable intérêt du public pour ce type de manifestations culturelles. Après les projections, les spectateurs ne partent pas tout de suite, ils félicitent les équipes, ils discutent avec les réalisateurs, les équipes échangent leurs points de vues sur leurs films. Certains comédiens amateurs deviennent même “célèbres” car les gens qui les ont vus lors des projections ou à la télé les reconnaissent et les appellent dans la rue”, dit la Présidente du “Kino Guadeloupe”.
Un jeune “Kino” avec beaucoup de projets
Il est à noter que les rencontres brèves entre réalisateurs, techniciens et comédiens professionnels et amateurs – “Speed casting” – en vue du prochain tournage se font aussi après ces projections publiques.
Une chose est sûre, l’Agence KulturTour a de nombreux projets quant au 7e art. En effet, elle prévoit d’organiser un “Kino Kabaret” sur plusieurs jours, chaque mois de janvier. Mais, précise Éléonore Bastide-Bernier :“Les projections de films ne se feront pas uniquement dans la région de Pointe-à-Pitre car la ville de Basse-Terre, ainsi que des communes de la Guadeloupe comme Gourbeyre mais aussi de l’île de Marie-Galante souhaitent recevoir un “Kino Kabaret” sur leur territoire. Comme lieu de projection, nous avons une préférence pour les sites patrimoniaux”.
Bien que récemment lancé, “Kino Guadeloupe” a déjà reçu des propositions pour que ses courts-métrages soient diffusés en France hexagonale et au Sénégal dans un festival de cinéma. Par ailleurs, des contacts ont été établis avec une chaîne de télévision nationale pour montrer ses productions à une audience plus large. Comme les “kinoïtes” haïtiens, les “kinoïtes” guadeloupéens espèrent un jour se rendre au Canada et notamment au Québec qui compte 13 cellules “Kino” afin de profiter de l’expérience de leurs adhérents mais ils savent qu’ils doivent d’abord réussir leur complète implantation dans le paysage audiovisuel guadeloupéen (PAG).
Ils auront d’ores et déjà l’occasion de parler de leurs projets avec des “kinoïtes” canadiens actuellement en vacances en Guadeloupe et de recueillir auprès d’eux de précieux conseils.
Association Agence Kultur’Tour / Kino Guadeloupe
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Éléonore Bastide-Bernier (Présidente)
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Kalil Sarkis (Chef de projet Kino Guadeloupe)
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Chantal Sarkis (Coordinatrice)
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Kelly Vercautrin (Gestion Site / Décoration)
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Dominique Bernier (Administrateur)