Né le 27 mars 1948 à Sainte-Anne en Guadeloupe, Lukuber Séjor se considère comme un “combattant de la langue créole”. Le samedi 7 juillet dernier, à l’occasion de son 3e anniversaire, le Mémorial ACTe avait invité l’artiste à présenter au public son “Maké Kréyòl, (Écrire le créole) et son “Jé pou tèt san kalkilèt” (Jeu pour la tête sans calculatrice).
Depuis son inauguration en 2015, le Mémorial ACTe invite régulièrement Lukuber ou Likibè Séjor qui est aujourd’hui âgé de 70 ans à dispenser son savoir au public. Le samedi 7 juillet dernier, le “Centre Caribéen d’Expressions et de Mémoire de la Traite Négrière Transatlantique et de l’Esclavage” célébrait son troisième anniversaire mais en raison de l’arrivée du premier phénomène cyclonique de la saison – l’ouragan Béryl, devenu ensuite une tempête tropicale – la plupart des manifestations a été reportée au 4 août prochain. La direction du M.ACTe a, cependant, maintenu la rencontre avec celui qui se présente comme un “militant de la tradition guadeloupéenne” qui défend l’écriture de la langue créole et le calcul mental. À partir de 17h00, la Salle des Congrès et des Arts vivants se remplissait petit à petit avec notamment des parents et leurs enfants venus participer à “Maké Kréyòl“ (Écrire le créole) et “Jé pou tèt san kalkilèt” (Jeu pour la tête sans calculatrice).
Une participation active du public
Il faut préciser que si les Guadeloupéens parlent le créole, beaucoup ne maîtrisent pas complètement son écriture ; il faut aussi ajouter que l’élaboration d’une orthographe et d’une grammaire créoles date surtout des années 1980 avec la publication de dictionnaires de mots, dictionnaires de proverbes etc… Par ailleurs, depuis quelques années, la langue créole est enseignée par l’Éducation Nationale.
Pour commencer, Lukuber Séjor a proposé au public une courte révision des différents sons de la langue créole. Puis, l’artiste a commencé à placer sur deux petits tableaux blancs des séries de lettres avec lesquelles les spectateurs devaient composer des mots en créole. Les réponses se sont mises à fuser de partout, certaines étaient correctes, d’autres pas mais au moindre doute, Lukuber Séjor faisait intervenir le “juge de paix”, c’est-à-dire son fameux dictionnaire créole-français.
Après le “Maké Kréyòl”, l’artiste a proposé aux spectateurs-acteurs le “Jé pou tèt san kalkilèt”. Ces derniers devaient trouver le nombre exact de crabes suivant les énoncés. Pour ce jeu, la connaissance des tables de multiplication était indispensable… Ces deux jeux éducatifs ont beaucoup plu aux enfants qui ont aussi été attirés par les lettres, les cartes et les klaxons utilisés par Lukuber…
Un combattant de la langue créole
À la fin de la manifestation, certains spectateurs sont montés sur scène pour faire des photos avec l’artiste, d’autres lui ont demandé des informations sur sa méthode alternative mais Lukuber Séjor a été particulièrement ému quand l’une de ses fans qui travaille avec les enfants a sorti de son sac tous ses CD et ses ouvrages (notamment la bande dessinée intitulée “Abolo” et publiée en 2007 qui a obtenu le Prix Renaudot)… “Quand j’étais à l’école, l’institutrice, Madame Ramée-Décordin, nous faisait réciter en chantant toutes les tables de multiplication, on utilisait aussi les bûchettes en coco pour compter. J’ai grandi à la campagne où l’on parlait le créole, donc ce que je pouvais faire ne pouvait être qu’en créole, je suis un combattant de la langue créole, je me bats aussi pour libérer l’esprit. En outre, j’ai été sensible à la méthode pédagogique de Gérard Lauriette (…) À l’Institut Médico-Éducatif (IME) du Moule où j’ai été éducateur technique à partir de 1987, les enfants venaient dans mon atelier avec leur enseignant et on travaillait déjà avec les crabes, les pièges de crabes pour apprendre à compter (…)”, a expliqué Lukuber Séjor à Kariculture.net après l’événement.