Même si la basse est son instrument préféré, Pascal Udol alias Skalp DBS joue plusieurs instruments de musique, depuis l’âge de 12 ans. Adolescent, il a étudié au Centre d’Informations Musicales (CIM) et a commencé à se produire sur les grandes scènes de Paris dans les années 1980. Le musicien qui a quitté la Guadeloupe quand il avait 5 ans est de retour au pays depuis un an. Il vient de commencer localement la promotion de son dernier album intitulé “Retour aux Sources”. Il a inventé sa propre musique, son nom: Afro-caribéenne.
kariculture.net vous propose la 2e partie de cette longue interview que le talentueux artiste guadeloupéen lui a accordée.
Kariculture.net : Pourquoi as-tu voulu créer un nouveau style musical ?
Skalp DBS : Toute ma vie, j’ai cherché mon style. J’ai mis 30 ans pour trouver ma voie, je compose depuis petit, je ne voulais pas faire comme Sixun etc… et c’est pour cela que cela a pris du temps. Et je suis fier de ce que je propose. C’est pour cela que j’ai abandonné vite le zouk, le reggae. J’ai fait des morceaux zouk mais je les ai tellement développés que je ne sais pas si cela pourra aller, c’est du zouk mais cela ne sonne pas zouk, j’ai laissé tomber car je ne peux pas faire comme tout le monde…
Kariculture.net : Tu as sorti et produit 2 albums : « Retour aux sources » en octobre 2019 et « ORUS » (Observatoire des Rythmes dans l’Univers du Son) dix ans plus tôt qui sont sur toutes les plateformes. « Retour aux Sources » est-ce parce que tu es rentré chez toi ou est-ce parce qu’il y a un retour dans le patrimoine musical guadeloupéen ?
Skalp DBS : Il fallait mettre une date mais, il y a des morceaux que j’ai créés depuis très longtemps. Il fallait trouver des musiciens pour les jouer, les exploiter.
J’ai commencé à composer à l’âge de 11 ans. Je n’avais pas de mémoire mais cela je savais faire. Il y a un morceau que j’ai créé sur « Retour aux Sources », je devais avoir 12 ans, et 40 ans après, je l’ai mis sur un disque.
Je ne peux pas dire que c’est un retour dans le patrimoine, ce n’est pas possible car je suis le seul Antillais dans ma musique. C’est un retour aux sources pour tout le monde, pour toute la planète parce que je pense que ma musique est large, il y a des morceaux qui sont conçus spécifiquement pour les Antilles mais pas tout l’album donc c’est un retour aux sources pour tout le monde. Je joue avec des Africains, des Français et plusieurs autres nationalités.
Kariculture.net : Comment définis-tu ta musique ?
Skalp DBS : Moi, j’estime que la société nous empêche d’être heureux parce qu’on nous « drive » trop. Quand tu allumes la radio, tu ne sélectionnes pas la musique que tu veux. La radio passe le même morceau 40 fois dans la journée, c’est du conditionnement. On est limité au niveau de ce que l’on entend car il y a toutes sortes de musique sur terre, on n’en connaît pas la moitié, on nous a enfermés dans la musique américaine, 1-2-3-4 ou le 3 temps. Moi, je suis parti ailleurs : 3-5-7-9 ; un truc impair. J’ai demandé à mes musiciens de s’intéresser à la musique caribéenne, à ma culture pour comprendre ce qu’on était en train de faire. Jouer c’est facile mais il faut aussi comprendre (…).
Kariculture.net : Y a-t-il de la bonne et de la mauvaise musique ?
Skalp DBS : Oui carrément ! Toute la musique électronique, synthétique, ce ne sont que des machines qui jouent, que du bruit. J’ai fait un festival rue de Charonne à Paris, ils ont inventé une musique avec uniquement des fréquences graves. C’est de la musique cela ? Tu as envie de vomir. Il n’y a rien, pas de notes (…).
Kariculture.net : C’est quoi de la bonne musique pour toi ?
Skalp DBS : C’est la musique où l’on se sent concerné, où le guitariste est un vrai guitariste, ce n’est pas de la programmation ; le mec joue, il y a mis son cœur, il est en train de faire passer un message. J’ai toujours refusé de faire de la musique en séquences, je suis allé dans une école de jazz, ce n’est pas pour aller faire des séquences. En 1989, quand j’ai travaillé sur le disque de Phil Control, il y avait déjà plein de programmes, j’arrivais, je faisais deux notes et je partais, le batteur également, je n’ai jamais compris. Et même avant, j’étais déjà rentré en studio plusieurs fois, il y avait déjà des programmations. C’était dans les années 80, imagine aujourd’hui… Quand tu as appris la musique, que tu as dépensé du fric et tu vois que c’est cela la musique, ça fait mal. Ce n’est pas nouveau, cela existe depuis très longtemps mais aujourd’hui, je peux t’assurer qu’il y a plein de mecs qui ne connaissent rien, ils n’ont jamais touché un instrument de leur vie, ils savent programmer, ils ont un petit peu d’oreille, ils prennent les « samples » et gagnent beaucoup d’argent (…) J’ai toujours dit à mes amis : tout ce que tu entends, je l’ai joué, même ce qui a été programmé par moi, je l’ai joué (…).
Kariculture.net : Considères-tu que ta musique est nouvelle, est un autre style de musique?
Skalp DBS : Tout-à-fait, c’est un autre style de musique. J’ai appelé ma musique « afro-caribéenne », exprès. J’ai enlevé le mot jazz. Dans ma musique, tu entends l’Afrique et tu entends la Caraïbe, tu vois la connexion. Quand les gens disent « je ne suis pas Africain », des paroles inutiles, je leur prouve le contraire, je suis désolé. C’est la même ligne. C’est pour cela que dans mon morceau que j’ai appelé justement « Afro-caribéen », tu sens bien le lien avec l’Afrique et la Caraïbe et ça se mélange naturellement.
Kariculture.net : Où puises-tu ton inspiration?
Skalp DBS : Je la puise dans mon cerveau parce que je vivais en France. Pendant tu vis à Paris, tu ne peux pas avoir l’esprit de la Caraïbe, tu n’y es pas. C’est d’ailleurs pour cela que je suis rentré, je voulais faire un disque et pour être dedans, il vaut mieux que je sois là. Toute ma vie, pendant 30 ans j’ai cherché ma route, je l’ai trouvé quand j’ai décidé de rentrer dans les rythmes impairs (3-5-7-9) et la polyrythmique qui est le fait de mélanger 2 mouvements différents (par exemple mélanger un 4 temps avec 3 temps, un 5 temps avec un 9 temps) (…).
Kariculture.net : Comment as-tu trouvé les musiciens qui ont enregistré avec toi?
Skalp DBS : J’ai galéré pour trouver mes musiciens. J’ai toujours galéré, j’ai toujours été obligé de faire des sacrifices, soit donner des droits dans mon travail ou soit carrément former les musiciens. Sur ces albums, j’ai été obligé de former mes musiciens et cela m’a pris beaucoup de temps. À la base, ma musique était pour eux du chinois, ils ne voulaient pas la jouer, j’ai dû les rassurer en leur disant que c’est moi qui l’ai créée. Ce sont des musiciens qui sont forts. On forme un groupe même si tout est à mon nom car pour mon premier album, j’ai laissé quelqu’un gérer ma communication et il est allé raconter qu’il m’avait payé pour jouer sa musique (…) On est un groupe car si mes musiciens ne sont pas là, ma musique ne pourra pas être jouée.
Kariculture.net : Pourquoi les titres sont-ils très longs sur ton premier album ?
Skalp DBS : « ORUS » était mon premier disque et on s’est fait plaisir. C’était le premier album, la première expérience, à l’époque, je ne faisais que des concerts où les morceaux ne duraient pas 3 minutes, il y a beaucoup d’improvisations. Sur « Retour aux Sources », les morceaux sont moins longs. J’ai pris en compte les durées version radio mais les durées pour le jazz c’est 6 minutes. Il y a des morceaux où je n’ai pas pu rentrer dans ces normes-là car la musique demande d’avoir de l’espace pour s’exprimer.
Kariculture.net : Dans le morceau « Double-Face », on entend le tambour-ka de la Guadeloupe, était-ce important de mettre les sonorités de cet instrument de la Guadeloupe ?
Skalp DBS : En fait, je suis un jazzman et pas un joueur de tambour (tanbouyé). Je pensais au carnaval et je me suis demandé comment ramener le tambour et le ti-bwa dans ma musique moderne, j’ai essayé de créer un truc qui sonne caribéen et je crois que le résultat ça le fait. Quand je suis rentré en studio, je pensais sortir le disque pendant le carnaval malheureusement ma grand-mère est décédée et plein de choses se sont passées.
Kariculture.net : Comment le public a-t-il accueilli ta musique ?
Skalp DBS : Il adore. Tous les gens qui ont écouté ma musique ont acheté les disques. Cela fait dix ans qu’ils attendaient que je sorte un nouvel album. On me demande toujours mon premier album « ORUS ».
Kariculture.net : Maintenant que tu es installé ici en Guadeloupe, ta musique est-elle diffusée comme tu le voudrais ?
Skalp DBS : En Guadeloupe, il faut aller calmement. Cela fait 1 an que le disque est sorti ; moi, je suis arrivé en novembre 2019. Mon dernier album est sorti digitalement mais pas encore physiquement. Je pensais que cela allait prendre beaucoup plus de temps (…)
Le public guadeloupéen découvre à peine ma musique, pendant un an, il ne s’est rien passé. Il y a très peu de temps que les radios, les journalistes commencent à m’appeler car ils commencent à découvrir ma musique.