Nicole Favières, Festival du Zouk de Guadeloupe: “Que faisons-nous pour mettre la musique zouk en valeur?”

Nicole Favières-Bourguignon à côté du buste du chanteur et musicien Patrick Saint-Éloi qu'elle a réalisé

Du 22 juillet au 02 août, s’est déroulée en Guadeloupe la 10e édition du Festival International du Zouk (FIZ). Un programme riche a été proposé au public pour valoriser une musique née en Guadeloupe. Kariculture.net a rencontré Nicole Favières-Bourguignon, une artiste-sculptrice en charge de l’Expo d’Art intégrée au FIZ depuis sept ans, afin de dresser un bilan des dix années d’existence d’un événement musical qui fait partie de notre identité culturelle mais que les collectivités publiques majeures de l’île ne soutiennent pas financièrement comme elles le devraient.

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KARICULTURE.NET : On entend parler du Festival International du Zouk de la Guadeloupe (FIZ) mais on connaît un peu moins ses organisateurs, qui êtes-vous ? Pourquoi avez-vous décidé d’organiser ce festival ?

Nicole Favières-Bourguignon : L’origine du projet est la rencontre entre un musicien et un professionnel du tourisme à la recherche d’un projet à la fois 100% antillais et ayant une dimension internationale; le zouk s’est révélé être le meilleur paramètre pour une telle opération, cette musique ayant traversé le monde entier.

Monsieur Eugène Louisor est l’instigateur du Festival du Zouk, c’est un professionnel du tourisme qui aime la musique zouk et qui voulait l’associer aux destinations de la Guadeloupe et de la Martinique comme la salsa est associée à Cuba ou le reggae à la Jamaïque. On s’est heurté à un certain dénigrement du zouk de la part de certaines personnes en Guadeloupe qui nous disaient que “ça n’avait pas de valeur” alors on s’est rendu compte que notre image n’était pas belle à voir. Pourtant le zouk est la forme moderne de nos différentes musiques, il tire ses racines du gwoka, du quadrille etc. Nous avons décidé de redonner ses lettres de noblesse au zouk et de permettre à nos jeunes de s’approprier cette musique qui représente leurs racines, leur identité.

Le Festival International du Zouk de la Guadeloupe est une association de Loi 1901. Parmi nos nombreux bénévoles, il y a le batteur Rudy Lévis qui est le coordinateur musical et Cédric Brute est le responsable technique.

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KARICULTURE.NET : Quel regard portent les créateurs du zouk, les membres du groupe KASSAV’, notamment Pierre-Édouard Décimus (le fondateur du groupe), sur ce Festival International du Zouk de la Guadeloupe ? Et les artistes du zouk ?

Nicole Favières-Bourguignon : Tout le monde apprécie l’existence de ce festival. C’est vrai que certains s’interrogent sur notre légitimité à organiser un tel festival. Nous tirons notre légitimité du fait que nous sommes des Guadeloupéens, l’histoire de la Guadeloupe est la nôtre et nous avons envie de défendre notre culture. Le premier groupe que nous avons contacté pour ce festival a été Kassav’ mais le coût était trop élevé pour notre budget. Nous n’avons pas abandonné ce projet, nous inviterons Kassav’ dès que nous aurons les moyens financiers… En 2016, Pierre-Édouard Décimus a assisté à une conférence organisée dans le cadre du FIZ, il nous a dit qu’il était avec nous. Nous lui avons proposé d’être le parrain d’une prochaine édition du festival.

Lors de la mise en place du festival, nous organisions nos réunions dans la maison de ma mère à Pointe-à-Pitre, Patrick Saint-Éloi qui, comme nous le savons, était une personne très discrète nous rendait visite, il discutait régulièrement avec Monsieur Louisor et il nous encourageait. En 2005, il a écrit le texte qui sert de moteur au FIZ : “Afin de pérenniser le zouk, cette musique qui est la nôtre, il nous fallait un évènement ponctuel. Cet événement sera le FIZ, le Festival International du Zouk. Enfin, nous avons l’opportunité de réaliser ce projet cher à tous (musiciens et peuple antillais), car nous savons au fond de nous-mêmes que ce sera une immense plate-forme d’échanges culturels avec le monde, car le zouk est joué dans de nombreux pays, même si nous avons tendance à l’ignorer. Merci à toutes celles et ceux qui ont permis de rendre ce Festival du Zouk possible. Nous comptons sur vous pour ne jamais oublier que : Zouk la sé tan nou, Sé nou ki fey ! Fo nou fey viv, Pou nou pa jen oubliyé, ki moun nou yé.(Le Zouk nous appartient! C’est nous qui l’avons fait! Nous devons le faire vivre pour que nous n’oubliions jamais qui nous sommes).

Médhy Custos a été le premier artiste à chanter au FIZ lors de la présentation du projet en 2003 au Domaine de Vallombreuse à Petit-Bourg. Des musiciens professionnels antillais, des défenseurs du zouk entourent ce projet. Nous sommes accompagnés depuis le début par Grégory Custos, Rudy Benjamin, Gérard Poumaroux… Christian Joseph-Lockel et Daniel Kissoun ont eu l’occasion de diriger musicalement le festival. D’autres musiciens, comme Freddy Marshall, nous ont également conseillés lors de la création du festival.

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KARICULTURE.NET : Le Festival International du Zouk a fêté cette année son dixième anniversaire, avez-vous le sentiment d’avoir intégré cet événement dans le calendrier culturel de la Guadeloupe? Croyez-vous que le FIZ soit attendu chaque année par le public?

Nicole Favières-Bourguignon : Avec le FIZ, nous faisons du militantisme culturel. Le festival est aujourd’hui intégré dans le calendrier culturel de l’île. Les gens nous connaissent maintenant, ils entendent parler de nous. Notre manque d’argent nous empêche de lancer une campagne de communication plus importante mais le bouche-à-oreille, les réseaux sociaux nous aident beaucoup. Le public fidèle compare les éditions. Par ailleurs, je vois des personnes défendre le zouk avec plus de passion aujourd’hui, ce qui n’était pas tellement le cas quand nous avons commencé le festival. On dit que le zouk est mort mais que faisons-nous pour le mettre en valeur ? Le zouk est né de tout un bouillonnement culturel qui a duré plusieurs années en Guadeloupe et que le groupe Kassav’ a su traduire… Apprenons à nous mettre en valeur, à apprécier qui nous sommes! Nous devons promouvoir nos jeunes artistes qui prennent la relève en diffusant par exemple leurs titres au lieu de les boycotter. D’autres pays “accaparent” notre musique, certains lui donnent même un autre nom, nous devons faire savoir que le zouk vient de Guadeloupe et de Martinique.

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KARICULTURE.NET : Le programme de cette année a été très riche, il y a eu beaucoup de manifestations autour du zouk éparpillées sur le territoire mais n’avez-vous pas l’impression que le public ait pu se sentir “perdu”? Ne craignez-vous pas que toutes ces petites manifestations rendent “illisible” ce festival ? Pour un festival musical, on s’attend plutôt à trouver une seule grande scène avec de grands concerts où vous pourriez par exemple ajouter des concours de chant, de danse, DJ…

Nicole Favières-Bourguignon : Nous rêvons d’avoir une grande scène mais nous sommes freinés par notre petit budget. La qualité est fonction des moyens mis à notre disposition et des bénévoles.

Être éclaté sur plusieurs territoires est la formule qui a permis au FIZ d’exister jusqu’ici car, naturellement, un tel festival nécessite des moyens très importants.

Le coeur du festival sont les tremplins (les concours de chant, concours de danse, concours de DJ, les groupes live, la Zouk Beach Party, les master-class), les concerts viennent en plus.

Nous pouvons citer plusieurs concerts réalisés dans le cadre du FIZ à savoir :

  • en 2006, au vélodrome de la commune de Baie-Mahault avec Elisio du Cap Vert, Paola, Harry Soudourayen, l’école de musique La Clef des Arts etc. ;
  • en 2009, au stade de la ville des Abymes avec Patrick Saint-Éloi, Orlane, Bamboolaz, Dissonnance, Jean-Michel Rotin, Dominique Bernier, Expérience Gros Ka/Zouk (Paola, Teddy Pélissier, Éric Cosaque, Dominique Panol) etc.;
  • en 2010, à la Salle Laura Flessel de la commune de Petit-Bourg avec Tanya Saint-Val, N’Jie, Dominique Panol, Patrick Benoît, Alan Cave etc. ;
  • en 2012, toujours à la Salle Laura Flessel avec Fanny J. et Tina Ly de la Guyane, Suzanna Lubrano du Portugal, T-Shaa, Antony Drew etc ;
  • en 2015, dans la commune du Gosier avec Alex Catherine pour le 1er Zouk Love pour la Paix et en 2016, le 1er Gwada Zouk Jam

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KARICULTURE.NET : Quand vous faites le bilan des 10 années du FIZ, pensez-vous avoir reçu de la part des autorités politiques et culturelles de la Guadeloupe toute l’aide qu’il vous fallait pour promouvoir ce festival notamment à l’étranger – comme le font beaucoup d’îles caribéennes – pour que cet événement musical attire des touristes car le zouk est très connu dans le monde notamment dans la Caraïbe, en Afrique, au Brésil, Cap-Vert etc ?

Nicole Favières-Bourguignon : Nous n’avons jamais reçu une aide financière conséquente pour développer le FIZ. En tant qu’association, nous recevons seulement des sommes très dérisoires, très insuffisantes pour l’organisation d’un tel festival. Les îles caribéennes qui organisent ce genre de festival musical ont l’appui financier de leur gouvernement qui a compris que ce type d’événement attire les touristes et développe leurs économies. En Guadeloupe, ce n’est pas le cas pourtant il s’agit de valoriser une musique que nous avons créée. Nous n’avons rien contre les autres festivals musicaux mais si nous devons représenter notre pays à l’extérieur, le zouk sera la musique qui nous caractérisera et pas le jazz par exemple… Cependant, à cause de notre militantisme culturel, depuis 10 années, nous sommes toujours là et nous arrivons à réaliser le FIZ avec tous nos bénévoles. Nous n’avons pas encore abandonné même s’il y a eu des tentatives de prendre ce festival entre nos mains afin de le transformer en une affaire de gros sous… Par ailleurs, le fait de décentraliser le festival dans les communes nous soulage aussi financièrement.

Le Festival International du Zouk de Martinique en est à ses débuts. 2017 verra la 2ème édition.

Actuellement, se met en place un projet d’échanges culturels entre les Antilles et les États-Unis. Des concerts ont déjà été organisés à New-York dans des lieux comme SOB’s (Sounds Of Brazil). En juillet 2018, devrait avoir lieu le 1er Festival International du Zouk aux États-Unis.

En dix ans, le FIZ a eu des retombées touristiques. Par exemple, des compagnies de croisières nous ont contactés via le festival pour avoir des groupes de musique zouk en animation. Le groupe “Tropical Box” évolue ainsi depuis plusieurs années avec l’une d’elles.

La soirée d’ouverture de la dixième édition a montré que le FIZ devient progressivement un événement culturel majeur.