À 81 ans, Maryse Condé a reçu ce vendredi 12 octobre le Prix Nobel alternatif de Littérature. L’écrivaine française originaire de la Guadeloupe a dédié ce prix, entre autres, à son île natale. Après Saint-John Perse (1960), Derek Walcott (1992) et V.S. Naipaul (2001), c’est le quatrième auteur né dans la Caraïbe qui reçoit une telle distinction internationale.
“Je suis très heureuse et très fière d’avoir ce prix mais permettez-moi de le partager avec ma famille, avec mes amis et surtout avec tous les gens de la Guadeloupe”, ce sont les premiers mots de Maryse Condé à la presse après avoir appris à la télévision que venait de lui être décerné le Prix Nobel alternatif de Littérature.
L’écrivaine guadeloupéenne qui a été plusieurs fois nominée pour le Nobel “officiel” voit enfin son oeuvre reconnue au niveau international.
Les organisateurs ont déclaré que, dans ses livres, “et avec un langage précis”, Maryse Condé “décrit les ravages du colonialisme et le chaos du post-colonialisme (…)”.
Née le 11 février 1937 à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, Maryse Condé – son nom de jeune fille étant Marise Liliane Appoline Boucolon – a publié depuis 1976 plus d’une trentaine d’ouvrages (romans, essais, nouvelles, pièces de théâtre) pour enfants et adultes dont “Ségou: les murailles de terre” (Laffont, 1984), “Ségou: la terre en miettes” (Laffont, 1985), “Moi, Tituba sorcière noire de Salem” (Mercure, 1986), “La Vie scélérate” (Seghers, 1987), “Hugo, le terrible” (Sépia, 1991), “La traversée de la Mangrove” (Mercure, 1989), son dernier roman étant “Le fabuleux et triste destin d’Ivan et d’Ivana” (Jean-Claude Lattès, 2017).
Des prix et des distinctions
L’auteure caribéenne a reçu plusieurs prix littéraires dont le Prix de l’Académie Française pour “La vie scélérate” et le Prix Liberatur pour “Ségou : les murailles de la terre” en 1988, le Prix Puterbaugh, pour l’ensemble de son œuvre en 1993, le Prix Marguerite Yourcenar pour “Le Coeur à rire et à Pleurer” en 1999, le Prix Tropiques de l’Agence française de développement (AFD) pour “Victoire, des saveurs et des mots” en 2007 ou encore le Hurston&Wright Legacy Award (catégorie fiction) pour “Who slashed Célanire’s throat?” en 2005. Maryse Condé a également été faite Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres en 2001. Durant sa carrière de professeur de littérature, l’écrivaine a enseigné dans plusieurs pays d’Afrique, en France hexagonale et aux États-Unis.
Ce prix Nobel alternatif a été mis en place au printemps dernier par un collectif de 109 écrivains suédois qui représente une “Nouvelle Académie” suite à l’annulation du Prix Nobel de Littérature de 2018 et à son report en 2019, ce qui ne s’était jamais produit depuis 1949.
Un vote populaire
Il faut dire que huit des dix-huit membres de l’Académie officielle avaient démissionné suite à des révélations d’accusations de viols et d’agressions sexuelles faites par 18 femmes à l’encontre de Jean-Claude Arnault, l’époux français de Katarina Frostenson, une poétesse académicienne; le 1er octobre dernier, ce dernier a été condamné à deux ans de prison ferme.
Cette année, les 18 membres de l’institution officielle n’ont donc pas choisi le gagnant. 47 bibliothécaires suédois ont d’abord dressé une liste de candidats potentiels, un vote populaire (plus de 30 000 internautes) a opéré une sélection et trois noms restaient en lice : le Britannique Neil Gaiman, la Canadienne d’origine vietnamienne Kim Thúy et la Française d’origine guadeloupéenne Maryse Condé. À noter que le Japonais Haruki Murakami qui faisait partie de cette dernière sélection avait préféré se retirer de la compétition, de crainte peut-être de ne pas recevoir, dans l’avenir, le Nobel “officiel” de Littérature…
1 million de couronnes, environ 97 000 euros
Le 9 décembre prochain, Maryse Condé recevra son prix, c’est-à-dire 1 million de couronnes (près de 97 000 euros) ce qui représente un dizième de la somme remise à un gagnant du Nobel “officiel”. Le lendemain aura lieu à la mairie de Stockholm (Suède) le traditionnel banquet en l’honneur des lauréats annuels du Prix Nobel (médecine, économie, physique, chimie, améliorations des relations entre les peuples ou paix remis à Oslo…) en présence de la lauréate.
En 2019, l’Académie devrait décerner deux prix au lieu d’un; quant à la “Nouvelle Académie”, elle sera dissoute le 10 décembre prochain.
Si Maryse Condé qui est âgée de 81 ans et qui se bat contre la maladie s’est dite très heureuse de cette reconnaissance, certaines voix affirment que, vu la grande qualité des écrits de la Guadeloupéenne, elle mérite plutôt de recevoir le Prix Nobel de Littérature “officiel” et non ce prix “alternatif”… Reste à savoir si le réglement interdit de recevoir les deux prix. Nous avons posé la question à l’organisation du Prix Nobel, nous attendons sa réponse…