Le Carnaval et le Tour cycliste international de la Guadeloupe sont les deux événements les plus populaires de l’archipel. “Populaire” signifie que tout le monde peut y assister, y compris tous les médias. En ce qui concerne les festivités du carnaval, depuis une vingtaine d’années, le fameux tapis rouge est apparu dans le chef-lieu pour la première fois lors du défilé du Mardi Gras. À cause de ce morceau de tapis, beaucoup se sont empressés d’insulter les habitants de Basse Terre, en les traitant d'”aristocrates”.
Depuis, le fameux “tapis rouge” fait l’unanimité et est obligatoire dans tous les défilés des deux grandes villes de Guadeloupe (Basse-Terre et Pointe-à-Pitre) ainsi que dans les communes. Outre le “tapis rouge”, cette zone dispose de gradins payants et d’un “espace concours” pour les groupes.
On pourrait penser que tous les médias ont accès à cette fameuse “zone tapis rouge”, mais NON ! Kariculture, jeune média âgé de 2 ans à l’époque, s’y est rendu le 11 février 2018 pour le défilé du Dimanche Gras à Pointe-à-Pitre. Nous avons vécu des scènes surréalistes. En effet, nous avons vu à la fois les présentateurs d’une radio privée et ceux de la radio-télévision nationale-locale se placer devant notre appareil photo. Nous avons d’abord pensé que c’était dû à l’enthousiasme provoqué par l’arrivée des groupes dans cette zone. Puis, nous avons compris que cette façon insidieuse de faire était destinée à bloquer nos prises de vue et à nous empêcher d’obtenir des images “exploitables”. Nous nous souvenons notamment de ce chanteur, recruté par la télévision nationale- locale, qui s’amusait à passer ou à stationner devant nous dès que nous tournions une vidéo…
Le lendemain du défilé, dans le journal de 7h00 d’une radio privée, nous avons entendu l’un des organisateurs du carnaval de Pointe-à-Pitre déclarer que la zone du “tapis rouge” avait été “polluée” par des gens venus faire des photos et des vidéos… Ce 12 février 2018, nous lui avons envoyé un e-mail afin de savoir de quoi ou plutôt de qui il parlait. Nous n’avons pas eu de réponse. L’année suivante, (le 25 février 2019), nous avons adressé un courriel à cette organisation carnavalesque pointoise afin de savoir si, lors du défilé du Dimanche Gras, des mesures seraient prises pour faire la distinction entre les gens de la presse et les autres, nous n’avons reçu aucune réponse. Cependant, lors du défilé “Kongo Karayib” du Samedi Gras 2019, nous avons rencontré le président cette organisation à l’entrée de la rue Frébault à Pointe-à-Pitre et nous lui avons demandé si la “zone tapis rouge” était ouverte à tous les médias, le lendemain Dimanche Gras. Embarrassé, il nous a répondu que cette zone était réservée aux “grands” médias. “Allez au départ du défilé à Lauricisque et vous aurez des photos que personne d’autre n’aura!”, nous a-t-il dit…
Depuis, la situation n’a pas changé et des tas de questions se bousculent dans notre tête.
De quel droit le Carnaval de Guadeloupe a-t-il été “privatisé” au profit de certains “grands” médias, avec la complicité de certains organisateurs et élus ?
Comment peut-on interdire aux “petits” médias de travailler dans la fameuse “zone tapis rouge”, alors que toute la logistique (tapis rouge, gradins, tables, chaises, barrières, chapiteaux, câbles et prises électriques, éclairage, fanions, banderoles, affiches, etc.) a été installée avec l’argent public par des fonctionnaires municipaux et communautaires ?
Comment sur une “petite” île comme la Guadeloupe peut-on interdire, d’une façon déguisée, à certains médias d’exercer leur mission d’informer?
L’argent public investi dans le Carnaval de Guadeloupe est-il réservé exclusivement aux “grands” médias qui permettent à certains élus locaux de profiter de cette forte audience pour “vendre leur sauce” face aux micros et caméras?
Si nous, “petits” médias, nous couvrons les manifestations carnavalesques par devoir professionnel ou par amour du Roi Vaval, ce n’est pas complètement le cas des “grands” médias et nous nous demandons: combien d’argent gagnent-ils pendant la saison carnavalesque, c’est-à-dire de janvier au Mercredi des Cendres?
On ne peut pas dire que ces “grands” médias investissent beaucoup d’argent dans l’organisation du carnaval en devenant des “sponsors officiels”, soit-disant indispensables à la promotion de notre carnaval. Certains vont jusqu’à sponsoriser un groupe de carnaval…des miettes du gâteau.
En réalité, en faisant de cet événement culturel populaire leur “propriété privée” – alors que les carnavaliers s’endettent pour confectionner leurs costumes – ces “grands” médias gagnent de l’argent de diverses manières :
revenus de la publicité pour des produits (boissons, etc.) ;
revenus de la publicité pour la promotion des défilés par les organisateurs ;
revenus de la publicité des collectivités locales, sponsors des défilés ;
et enfin, importantes subventions versées par les collectivités – notamment le Conseil régional de Guadeloupe et les collectivités d’agglomération comme Cap Excellence – pour retransmettre les défilés en direct à la télévision, à la radio et sur Internet.
De plus, depuis l’avènement d’Internet, nos dirigeants pensent que, grâce à cette retransmission, le monde entier attend et regarde notre carnaval. C’est un mensonge. En fait, la grande majorité des internautes connectés, lors des défilés du Dimanche Gras à Pointe-à-Pitre et du Mardi Gras à Basse-Terre, sont des Guadeloupéens vivant en France hexagonale et ailleurs. Il suffit de lire les messages qu’ils envoient… En fait, cette “diffusion mondiale” n’attire aucun touriste étranger mais cette illusion permet à certains de gagner de l’argent.
Pour sa part, kariculture (publié en français, anglais et espagnol) n’est pas un “grand” média, mais depuis sa création, il a largement contribué à faire connaître le carnaval de Guadeloupe dans la Caraïbe et dans le reste du monde. Cette année encore, les différents programmes de Carnaval des îles caribéennes ont été très consultés par nos lecteurs.