La militante culturelle, Marie-Line Dahomay, qui a été contrainte d’annuler ses représentations à cause de la pandémie de Covid-19, nous invite à commémorer l’abolition de l’esclavage avec deux titres qu’elle a composés il y a quinze ans, “San Rètou” et “Kalkil Mantal”, disponibles sur Youtube.
L’an dernier, au mois de mai, nous vous présentions la carrière artistique très riche de l’ancienne infirmière, la chef de projets culturels et collecteur en musiques traditionnelles à la Médiathèque Caraïbe à Basse-Terre depuis 2005, chanteuse de gwoka et chercheuse en gwoka, Marie-Line Dahomay.
Comme nous le savons, le mois de mai est appelé le mois de la commémoration de l’abolition de l’esclavage notamment en Martinique (22 mai 1948), Guadeloupe (27 mai 1948), Saint-Martin (28 mai 1848) et, depuis 2006 en France, le 10 mai est la “Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition“.
Il est donc naturel de retrouver la chanteuse dans les actualités, à cette époque de l’année, puisqu’elle milite pour que cette date en Guadeloupe (ainsi que les autres) ne soit jamais oubliée par les adultes mais surtout par la jeune génération souvent en manque de repère ou en quête d’identité et qu’elle soit toujours l’occasion de célébrer nos ancêtres qui ont été victimes de ce crime contre l’Humanité.
À cause de l’épidémie de Covid-19, tous les spectacles prévus par l’artiste – notamment “Longan”, ce concept musical lancé en 2018 destiné à rendre hommage aux esclaves et à soulager nos “blès” (douleurs) – ont dû être annulés.
Calculer et réparer
Cependant, Marie-Line Dahomay vient nous rappeler qu’il existe deux chansons et deux clips vidéos permettant de célébrer cette date historique : “Kalkil Mantal” et “San Rètou”.
Le 10 mai 2019, avec son fils Cyril d’Alexis qui est arrangeur, la chanteuse a sorti une nouvelle version de “Kalkil Mantal” qu’elle avait composée en 2005 et elle en a aussi profité pour tourner son clip en collaboration avec Zandoliwood. Rappelons qu’en 2014, le Comité International des Peuples Noirs (C.I.P.N.) qui milite aussi pour la réhabilitation de l’ancêtre africain réduit en esclavage (Afrès) avait enregistré ce titre et l’avait présenté comme un hymne pour les réparations (Im a Réparasyon, en créole).
Pourquoi “Kalkil Mantal” (Calcul Mental)? Sûrement parce que tout au long de la chanson, l’artiste s’interroge sur le nombre d’hommes, de femmes et d’enfants ayant été victimes de l’esclavage, le nombre de jours qu’ils ont travaillé, le nombre de mois qu’ils ont souffert, le nombre d’années et de siècles qu’ils ont été fouettés pour la canne à sucre mais elle demande aussi combien d’argent ont gagné les esclavagistes, combien de bateaux ont été achetés, combien de femmes ont été violées, combien d’enfants sont nés sans père, combien de chopines de sang, de sueur, de pleurs et de douleurs… Des paroles poignantes en créole pour la Guadeloupe et toutes les autres îles de la Caraïbe.
Retourner et témoigner
“San Rètou” (Sans Retour) a également vu le jour en 2005 même s’il est moins connu, la vidéo qui l’accompagne a été réalisée en 2017 par Passerel Pro. Ce titre décrit l’état de “dépouillement” dans lequel se trouvaient ces hommes et ces femmes qui montaient dans les bateaux négriers pour ne plus jamais revoir le continent africain : “San Rètou, mwen san papa mwen pani non, San Rètou, mwen san manman mwen san nasyon, San Rètou, mwen ka chèché gadé dèyè, on chenn ka ralé mwen douvan, di mwen pouki” (Sans Retour, je n’ai pas de père, je n’ai pas de nom, Sans Retour, je n’ai pas de mère, je n’ai pas de nation, Sans Retour, j’essaye de regarder derrière, une chaîne me tire vers l’avant, dîtes-moi pourquoi), chante l’artiste.
En 2017, Marie-Line Dahomay est retournée sur le continent africain pour tous ces ancêtres qui n’ont jamais revu leur terre natale. Elle a réalisé son rêve de retour au Bénin où elle a rencontré des membres de sa famille. En 2019, la militante culturelle a accompagné des collégiens guadeloupéens lors d’un voyage pédagogique à Ouidah, organisé par l’association “Génération Ti Moun TMA”.
Avant la pandémie mondiale de coronavirus, un projet intitulé “Rencontre du Troisième Type” avec la découverte de traditions africaines et guadeloupéennes, notamment à travers une tournée et une résidence artistique, devait se concrétiser entre 2020 et 2021 à la suite d’une rencontre musicale avec les chanteuses du groupe “Tériba”…